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mercredi 30 novembre 2022

« L'automobilisme est un humanisme »




France Khü diffuse en ce moment une série documentaire sur une réalisation technique qui dans un très proche futur antérieur n'aura guère plus duré que ce fabuleux dispositif qu'était la croix de Malte de Continsouza — 150 ans tout au plus, une paille au regard de l'hippomobilisme ! — mais pour qui a été biberonné durant les 70's par les sirènes hollywoodiennes pré-Reagan de la jouissance sans entraves à la va-comme-je-te-pousse (si tu sais pas regarder sous le capot), l'épisode de ce mardi n'était pas sans intérêt (peut-être un peu nostalgique, ma foi !…) :

Il faut bien le dire — et ce n’est pas la moindre de ses curiosités — l’automobilisme est une maladie, une maladie mentale. Et cette maladie s’appelle d’un nom très joli : la vitesse. Avez-vous remarqué comme les maladies ont presque toujours des noms charmants ? La scarlatine, l’angine, la rougeole, le béri-béri, l’adénite, etc. Avez-vous remarqué aussi que, plus les noms sont charmants, plus méchantes sont les maladies ?… Je m’extasie à répéter que la nôtre se nomme : la vitesse… Non pas la vitesse mécanique qui emporte la machine sur les routes, à travers pays et pays, mais la vitesse, en quelque sorte névropathique, qui emporte l’homme à travers toutes ses actions et ses distractions… Il ne peut plus tenir en place, trépidant, les nerfs tendus comme des ressorts, impatient de repartir dès qu’il est arrivé quelque part, en mal d’être ailleurs, sans cesse ailleurs, plus loin qu’ailleurs… Son cerveau est une piste sans fin où pensées, images, sensations ronflent et roulent, à raison de cent kilomètres à l’heure. Cent kilomètres, c’est l’étalon de son activité. Il passe en trombe, pense en trombe, sent en trombe, aime en trombe, vit en trombe. La vie de partout se précipite, se bouscule, animée d’un mouvement fou, d’un mouvement de charge de cavalerie, et disparaît cinématographiquement, comme les arbres, les haies, les murs, les silhouettes qui bordent la route… Tout, autour de lui, et en lui, saute, danse, galope, est en mouvement, en mouvement inverse de son propre mouvement. Sensation douloureuse, parfois, mais forte, fantastique et grisante, comme le vertige et comme la fièvre.

samedi 26 novembre 2022

Discours sur l'origine et les fondements de l'inégalité parmi les hommes


Conférence sur la progression diagonale (2003)


Cette conférence du jeudi 10 avril 2003 avait débuté comme ça :



Et là, c'est la négation qui revient.

« Dieu est là pour vous »


Mr. Robot (saison 2, épisode 3), 2016
(désolé, impopo pour moi de balancer ça correctement en VOSTFR, grrmbll !)

« Das religiöse Elend ist in einem der Ausdruck des wirklichen Elendes und in einem die Protestation gegen das wirkliche Elend. Die Religion ist der Seufzer der bedrängten Kreatur, das Gemüt einer herzlosen Welt, wie sie der Geist geistloser Zustände ist. Sie ist das Opium des Volkes. »

Karl Marx, Contribution à « La critique de la philosophie du droit » de Hegel - Introduction (1843) 

vendredi 25 novembre 2022

Intelligence du montage sonore

 


Carine Leguelven est une artiste soigneuse, sobre et discrète.
Elle œuvre entre autres dans le montage sonore, avec virtuosité selon moi, pour offrir à ses amis des compilations thématiques
— irrégulièrement mais souvent (une dizaine, à ma connaissance, depuis dix ans, entre un et quatre cédés chaque fois : sur les chats, la cueillette des champignons, la piscine, les couleurs, siffle !, etc.)

Voici par exemple le premier morceau de la compile qu'elle a intitulée Travail, distribuée en 2017 (chacun reconnaîtra les chiens) :

Pink Floyd - Schifrin

On peut la contacter à cette adresse mèle.

mardi 22 novembre 2022

Cours, rage, Guillaume Erner !


L'animateur des Matins de Foot Culture s'est un peu énervé tout à l'heure contre un gars dont j'avais jamais ouï causer : Hubo Goss qu'il s'appelle je crois — non, pardon : Hugo Streillinnetouzeu-Houolle… ah mais saperlotte non, zut ! voilà : ce zigoto c'est Hugo Lloris, qui sent un peu sa mater dolorosa mais qui maîtrise pourtant à fond le syllogisme puisque comme il l'expliquait naguère sur France Intox très clairement (en substance) :

1° En France, on est pas facho (la preuve : y'a qu'un sixième du Parlement qui se réclame franco de la division Charlemagne) mais quand même : le minimum, de la part des bougnoules qui déboulent chez nous, c'est qu'ils s'adaptent à nos coutumes.
M'enfin, c'est vrai, quoi ! On voit même des niakoués qui refusent de porter le béret basque et la baguette sous le bras, et des mal blanchis qui savassent pas manier l'imparfait du subjonctif !
Moi je dis : faut faire le camé, Léon ! Là où tu débarques, tu fais tout pareil que les naturels légitimes, les ceusses qui sont arrivés avant toi.

2° Au Qatar — où y savassent même pas qu'on met toujours un « u » après le « q » sauf dans les trois mots que je vais pas vous faire l'outrecuidance de me rappeler —, y z'aiment pas les pédés ni les adultères et gnagnagna.

3° Hé ben moi, comme j'y vais pour faire des pépettes, je dis oqai, pas de problème monzami, moi y'en a entièrement d'accord je m'adapte à fond les ballons ronds !
Et soit dit entre nous, je préfère faire de la retape pour Über Alles et pour Orange — attention, rien à voir avec le fait que la ville est facho depuis un quart de siècle ! — que pour des pédé.e.s de tarlouzes, mais chut, ça reste off micro, hein ?

J'en rêve parfois



Étriper un membre du Parti Socialiste
Empaler un entrepreneur capitaliste
Lapider un bataillon d’éditorialistes

Annihiler un analyste économique
Écarteler un chroniqueur radiophonique
Trucider quelques journalistes politiques

Tuer un banquier
Faire taire Laurent Ruquier
Brûler quelques hypermarchés

Torturer un présentateur de la télé
Émasculer le président de l’UMP
Passer un bon coup de napalm sur Saint-Tropez

Occire un flic
Descendre un scientifique
Buter un hipster ultra-chic

Écorcher un trader merdique
Un gros bourgeois catastrophique
Un groupe de hard-core mélodique

Taper un prof
Frire le chanteur Christophe
Noyer un « nouveau philosophe »

Fusionner Laurence Ferrari
Avec Bernard-Henri Lévy
Les mettre dans Sexy Sushi

Les salsifis, Bernard Kouchner, Jean-Louis Murat
Le Grand Journal, Libération, M Pokora,
Patrick Bruel, Alain Soral, David Guetta

Crever Dassault
Bouffer Calogéro
Anéantir Jean-Pierre Pernaut

Liquider Obispo
Liquéfier Laurence Parisot
Défigurer Bernard Arnault

Latter Carla Bruni et Val
Leur trancher l’artère fémorale
Rôtir leurs parties génitales

Embrocher Claire Chazal
En y glissant par voie rectale
Un bouquet d’herbes provençales

dimanche 20 novembre 2022

samedi 19 novembre 2022

Bouillier donne tout mais ne cède pas



Pas un iota de complaisance ni de compromission dans toute son œuvre, pas une once de bisou-bisou avec le spectaculaire-marchand qui l'enserre depuis sa naissance en 1960 (hem, désolé, j'abrège pour accélérer, paraît qu'il faut aller vite à notre époque) : pour tenter de s'en dépêtrer tant que faire se peut, mutatis mutandis, que faire d'autre que décrire ce que son œil de lynx toujours exactement avisé comprend de chacune des situations qu'il expérimente, qu'il a vécues, que faire d'autre qu'essayer de piger ce qui se passe, ce qui nous tue, ce qui fait que tout va mal, que c'est la crise depuis tant de décennies qu'on ne sait même plus — et par quels mécanismes on essaie de paisiblement nous en vendre la souriante acceptation ?
Plusieurs excellentes raisons ont justifié à ses yeux une telle conduite, et il les dit.



Avec ses mots à lui, sa subjectivité sensitive à fleur de sa peau à lui mais qui nous parle à nous, à nous tous puisqu'on a tous vécu cela, force est de le reconnaître — sauf qu'on savait pas l'exprimer, ce truc qui cloche qu'on ressentait confusément.

Hé bien coup de bol qui tombe à pic heureusement, Grégoire Bouillier s'en est monstrueusement chargé, de tout ce poids de monceau de merdes à examiner filtrer trier réfléchir sasser déglutir, pour finalement extraire de cette montagne de détritus qui nous pourrissent la tronche la quintessence de quelques vérités simplissimes mais rarement perceptibles — un peu comme chez Marx le noyau rationnel de sa gangue mystique (si mes souvenirs sont bons).

Tel l'Atlas de la mythologie, il s'en est chargé dans Rapport sur moi, dans L'invité mystère, dans le monumental et phénoménal Dossier M.
Cette dernière œuvre (douze ans d'esclavage extatique), son intrigue qui court sur mille huit cents pages tient en une phrase, genre du style, disons : « Un homme cherche à séduire une femme qui s'esquive, après quoi il déprime grave et longtemps. »
Sauf qu'en passant, Grégoire nous raconte toute l'histoire de la civilisation occidentale de 1960 à 2005 : ce qui s'est passé en vrai, qui était là sous nos yeux et qu'on était trop las ou complaisants pour faire l'effort d'apercevoir.
Mais il est vrai que ce monde nous épuise. « On n'en veut pas, on n'en peut plus », comme disait la poète.


Et ce crible pertinent, Grégoire Bouillier le ressasse derechef dans son dernier ouvrage, paru fin août, Le cœur ne cède pas.

Sauf que là, ce n'est plus depuis son seul centre (dont le cercle est partout mais la circonférence nulle part visible) qu'il cause.

Non, non, non, non.

Il accomplit à sa manière l’indispensable élargissement de perspective que Manchette avait tenté de mener à bien avec le cycle des Gens du mauvais temps, que cette vacharde de camarde l’a empêché de réaliser et dont il a seulement pu quasi boucler le premier volume, La princesse du sang.

Tristan Manchette, alias Dough Headline, l’explique très bien dans sa préface à ce roman posthume : après La position du tireur couché, dont l’accouchement en feuilleton dans Hara-Kiri avait déjà coûté de colossaux efforts à son père qui commençait à en avoir sa claque d’examiner au scalpel notre petite France, Manchette n’a plus pu, mais alors plus pu du tout : la voie de garage une fois atteinte, fallait couper le contact. Mais contrairement aux solutions-miracles que fait miroiter cette saloperie de mirage capitaliste, là, pas de reconversion en perspective : il était perdu.
Complètement largué, ce géant de la littérature.
Que faire ? (bien qu'il ne fut franchement pas le pote à Lénine…)
Enfin, plutôt : sur quoi écrire ?
Car question activités et occasions de frappadinguer sa machine à écrire, ça manquait pas trop : traductions, adaptations, scénarios, éditeur de collection, rédacteur en chef, chroniqueur pour diverses revues, et j’en passe, ça prend du temps tout ça.
Mais l’important, tout de même, c’est de parvenir à exprimer le jus de son cœur, ce qu’il faisait depuis L’affaire N’Gustro jusqu’au moment où, douze ans plus tard, il s’est aperçu que c’était l’impasse, qu’il avait tout dit sur la France de son temps.



Alors, hourrah, il est retombé sur Ross Thomas, pour qui au début il avait pas franchement la plus haute estime.
Mais Les faisans des îles, ça l’a bien botté, et du coup voyons, voyons… mouais, ça pourrait valoir le coup, de retracer toute l’histoire du monde depuis Yalta, mais du point de vue de Jean-Patrick Manchette.
Et allez zou, c’est parti pour la tétralogie des Gens du mauvais temps, autour de la silhouette d’Ivy Pearl, si tu veux le point de vue d’un vrai situ pas pro sur toute cette époque d’exponentialisation spectaculaire du capitalisme enfin débarrassé de toute entrave (fascisme, nazisme, bolchévisme), assoiffé de s’effréner et qui menait évidemment droit direct au néo-libéralisme de Thatcher/Reagan/Mitterrand.
Quatre décennies, ça a duré, la mise en place bien ferrée du nouvel esclavage des pauvres et l’édifiant accroissement de la richesse des riches, malgré les (ou peut-être « grâce aux » ? va savoir, c’est compliqué de penser mondialement) deux « crises » (hi, hi !) de 1973 et 1978.

Et voilà où nous en sommes maintenant.

Et Grégoire Bouillier, toutes choses égales par ailleurs, réitère la révolution copernicienne que Manchette n’avait hélas pu qu’esquisser.
Après n’avoir si judicieusement expliqué le monde que par l’œil de son expérience vécue personnellement son expérience à lui c’était sa vie la sienne, il nous expliquait patiemment comment lui comprenait le monde tel qu’il le percevait le gars-là qu’était comme Perceval le Gallois dans sa quête de ce Graal qu’est tout bêtement la vérité des choses, hé ben voici qu’une émission de radio ouïe en 1985 qui lui titillait depuis trente-cinq ans le ciboulot fait qu’il se met à chercher comme un chien fou dans la nuit des trucs qu’il ne maîtrise aucunement mais qu’il veut absolument comprendre, et donc voilà que déboule aujourd’hui un somptueux Chateaubriand dont chaque page nous ouvre un peu plus les yeux sur notre propre cécité, sans compter que les pommes soufflées et la sauce béarnaise sont offertes en sus mais c’est juste histoire de mieux nous remettre les idées en place, de réapprendre à respirer, de se souvenir que ouais, c’est pas bête de réfléchir, de réfléchir à chaque instant à tout ce qui se passe.
C’est certes fatigant, mais c’est vachement jouissif, ça vaut le coup, vraiment.
Spinoza y insiste grave à la fin de l’Éthique : « tout ce qui est beau est difficile autant que rare ».

« Je pense, donc je suis », disait l’autre : là c’est Bouillier qui pense, et à le lire nous saisissons que nous sommes — ou plutôt, que si nous aussi nous faisons l’effort de penser, nous serons moins des bêtes de somme
.

Et pour commencer à ce faire, le plus simple est de l'écouter causer au micro de Romain de Becdelièvre dans Affaires culturelles mercredi 2 novembre :

Quand France Khü fait son hit, l'air en mode Gœbbels



Alors là, genre « délectation du je-m'en-foutisme » et « rien à carrer des auditeurs », ce fut le pompon !

Dans la nuit du dimanche 6 au lundi 7 novembre, à partir de 01h14, France Culture nous a donné sans vergogne à entendre, coup sur coup, deux minutes durant, les voix de trois producteurs fortement historiques vaporisés de la station sans crier gare (sans que les auditeurs puissent y piger que pouic quant aux deux premiers) :

Philippe Garbit, refondateur en 2000 des Nuits de France Culture, disparu d'icelles voici un an sans laisser d'adresse ;

Christine Goémé, dégazée itou sans nulle explication à nous qui écoutions attentivement ses présentations de L'éloge du savoir— l'ancêtre des Cours du Collège de France désormais présentés par Merryl Moneghetti ;

Et enfin Alain Alain Veinstein, mais là on sait à quoi s'en tenir

Ouaiche, ils se mouchent décidément pas du coude, à France Khü !


jeudi 17 novembre 2022

Mieux vaut passer sa vie à cabrioler ou bien à tourbillonner ?


Jean-Louis Murat, « Le chat noir » (2013)

Chris, marqueur…



La jetée (1962)


Léonard Vincent cause de Chris Marker avec
Jean-Michel Frodon sur Le Média en 2O17

jeudi 10 novembre 2022

« Un homme possédant à chaque minute le génie de l’enfance, c’est-à-dire un génie pour lequel aucun aspect de la vie n’est émoussé »


Jean-Hervé Marouin, alias John-Harvey Marwanny, fondateur en 2007 de la Marwanny Corporation, est un génie au moins aussi important (et barge) que le Pr Choron ou John Warsen, jugez plutôt :







Cerise sur le gâteau, il a également composé et interprété une chanson de saillie (à fausses rimes, donc), qui n'a rien à envier à ses ancêtres :



On peut écouter d'autres morceaux tout aussi réjouissants sur la section Marwanny Music du site ainsi que sur cette page :


Mais si je parle de « section », c'est que la musique n'est qu'une infime partie — à vocation délassante — d'une entreprise beaucoup plus vaste qui ne vise à rien d'autre qu'à l'avènement du bonheur de l'humanité par l'épanouissement du développement personnel sans douleur.
La Marwanny Corporation distribue ainsi moult guides utiles pour se dépatouiller dans cette horreur de société de merde, tel celui-ci…


… que son auteur présente ainsi :

« La communication est un moyen de défense et d’attaque, car elle permet d’exercer du pouvoir sur les autres. Ce pouvoir, grâce à ce guide exceptionnel, vous l’avez entre vos mains. Séduire les plus belles femmes, épouser les hommes les plus riches, influencer les opinions, manipuler vos amis, impressionner vos supérieurs, ouvrir une huître par la seule force de la pensée et même, entrer en contact direct avec Dieu !, la communication rend tout cela possible. Encore faut-il savoir s’en servir… Pas de panique, suivez les conseils de la Marwanny Corporation et le misérable gland que vous êtes deviendra un chêne inébranlable ! »
 
L'entreprise diffuse aussi un excellent guide de la pope musique, dont les notices sont rédigées à la manière de Willem lorsqu'il tenait la rubrique « Images » de Charlie-Hebdo puis dans Libé :









John-Harvey Marwanny a donné jadis une interviouve où il délivre le message global de son entreprise humanitaire :

mardi 8 novembre 2022

Fils de gauche ?
Tu milites, milites…
Fils de droite ?
Hérite, profite…

Franchement, soit dit entre nous, c'est quand même pas tous les jours qu'une chanson évoque d'un seul et même élan Rousseau, Balzac, Tocqueville, Marx, Freud, Max Weber, Schrödinger, Proust, Céline, Joseph Conrad, Lukács, Debord et Lacan, sans que cela ne soit que du naimedraupinnegue…
(sans parler des pauvres, des aristocrates, des gauchistes, des cathos, des Juifs, des Arabes, des Chinois ni des Noirs, évidemment…)
Si ?

Vite, Goldstein  !




Comme chacun sait, Ludwig Wittgenstein a ciselé ainsi la septième et ultime proposition de son Tractatus logico-philosophicus

Wovon man nicht sprechen kann, darüber muss man schweigen.

Soit en bon französisch :
« Ce dont on ne peut parler, il faut le taire. »

Nous en concluons immédiatement, selon les principes aristotéliciens de la syllogistique mais c'est même ce que commande la plus élémentaire logique — philosophique ou pas :
« Ce dont on peut parler, il le faut pas taire. »

Or, et là c'est moi qui me permets d'inférer directement l'éminemment logique implication affective :
« Comment ne pas dire ce que l'on n'ose taire ? »

Mmmh…
Hum, hum.

« Pas taire »
« N'ose taire »…

Hem, comment dire ?
Ça sent un peu la patenôtre, non ?

Et il y en a qui ont aujourd'hui encore le front de prétendre que Wittgenstein (tout ensemble cause et remède du malheur majeur du XXe siècle, comme l'a démontré avec force un méticuleux Australien rigolo) n'était pas un crypto-catho machiavélique ?
Et PD*, sans doute, de surcroît (à vérifier, là j'ai pas le temps).


Que votre volonté soit fête !

* : Philosophical Doctor

C'est la DCRI qu'a tes nerfs ?

Diable ! j'espère que non mais le hasard et le langage font bien les choses puisque « Qu'est-ce que tu fous avec la caténaire ? » rime d'évidence avec « Encore une occasion d'anniversaire ! »

samedi 5 novembre 2022

Sévère drogue sonore


Ça s'appelle comment, cette maladie où une ritournelle vous obsède au point que vous vous mettez à l'écouter en boucle à volume de plus en plus fort, toutes baffles dehors, sans interruption, au point même de se réveiller la nuit pour la réentendre encore et encore — sans qu'on comprenne du tout la cause de cette fascination hébétante ?

vendredi 4 novembre 2022

Devinette mélodramatique


Lou-Andreas Salomé, Paul Rée & Friedrich Nietzsche, Lucerne, mai 1882

Pourquoi le nom de Rée est-il a priori le patronyme idéal pour un bon mélo ?

(pour lire confortablement la réponse ci-dessous, je conseille de passer derrière l'écran en ayant pris soin de poser un miroir devant)

Au nom du (fli)père


Un gros savon, ça nous l'savons

Comme chacun sait, mon père s'appelait Alain, et c'est pourquoi j'ai longtemps caressé l'idée de changer mon vrai prénom pour Alex, comme dans la désopilante famille Térieur.
Mais je ne parlerai pas ici de caresses.
Car est-ce qu'on y connaît quelque chose, en réalité ?

À l'époque de mon enfance (c'était sans doute malséant au regard des normes sociétales de la nôtre, d'époque, et d'ailleurs pas très mAlain tout court) l'autorité paternelle en cas de faute supposée de l'enfant, de déviance par rapport à la morale imposée, de désobéissance volontaire — sans parler d'outrance stupéfiante comme lorsqu'Antoine Doinel, dans Les quatre cents coups, donne effrontément comme excuse tout à trac à l'instituteur que la cause de son retard c'est que… sa mère est morte ! — l'autorité paternelle, donc, se manifestait par quelque châtiment physique : gamin, fessée déculottée, et plus tard, ado, une gifle magistrale.
La fessée, pour moi, c'était quand même déjà malséant car ça faisait mal au séant (c'était un peu la mère, l'amer toujours recommencé) mais là c'est la gifle qui nous intéresse (je ne parle évidemment pas de cette gougnafière de Sophie Marceau, et encore moins de ce con de Pinoteau — attention, je n'ai pas dit pine de Conoteau — qui a réussi à massacrer le magnifique roman de Francis Ryck, Drôle de pistolet).
Soit dit en passant, quand mon père a déserté le doux domicile familial, ma mère — telle une dame aux clés — a aussitôt suspendu un martinet tressé de cuir à la poignée de la porte de la salle à manger. La menace planait, ombre parmi les ombres, mais heureusement jamais nous n'en subîmes les outrages (enfin, je crois : ma mémoire est labile, et la bile est ta mère, après tout !)

Pour la gifle, mon père avait une technique bien à lui, plutôt sympa quand on y pense (enfin, si l'on peut dire) : soucieux de ne pas blesser le visage de ses enfants (mais peut-être aussi pour ne pas s'exposer à une éventuelle réprobation de la part de proches si nous eussions présenté d'évidentes marques de coups : un autre film de Truffaut, L'argent de poche, était passé par là…), il nous demandait très calmement, toute fureur contenue quoiqu'à grand-peine, de poser notre main sur une surface plane, et là, nous assenait dessus une claque magistrale de toute la force dont il était capable.
Ça faisait très mal, mais la douleur passait assez vite, et après nous étions quittes : tel était le deal (la dernière fois que c'est arrivé, j'étais déjà anglophone).

La dernière fois que c'est arrivé, j'ai pas les ongles aphones alors je m'en souviens très précisément, j'étais pas en grande forme (rapport à mon amante qui me manquait fort), y'avait des oncles et pas de fans, c'était aux cinquante ans de mariage de mes grands-parents paternels, je devais avoir quinze ou seize ans.
Je me faisais tellement chier à cette réunion familiale d'apéro précédant le trajet vers le restau qu'assez rapidement j'ai prétexté n'avoir plus de clopes, qu'il fallait que je m'éclipse un instant pour aller en chercher (hem, là encore les normes sociétales ont un peu changé…)
Mais je suis effectivement descendu au bar-tabac d'en bas, et là, youpi ! il y avait un flipper…
Space Invaders, sans doute, c'était le plus répandu à l'époque, avec son fabuleux couloir semi-circulaire juste au-dessus des flips, qui si on y envoyait plusieurs fois la bille permettait direct le multi-billes tout juste inventé, puis l'extra-balle et le spécial, c'était génial.

Bingo ! je mets une pièce de cinq francs histoire de faire trois parties fissa, car malgré mes efforts monumentaux j'étais nul au flipper, je touchais pas une rame malgré que je jouais tout le temps dès que possible.
Avec mon pote de seconde de l'époque, Jérôme.
Il habitait loin en banlieue, sa mère lui filait des ronds pour qu'il bouffe à midi ailleurs qu'à la cantine (qu'était déjà toujours aussi dégueulasse, comme de bien entendu), du coup on déjeunait tous les deux à toute berzingue chez moi qui créchais juste à côté du lycée et on fonçait au café enfumé (Boyards et Gitanes maïs) claquer sa thune de gamelle en parties de flip.
C'était nickel-chrome : pour ma mère Jérôme venait déjeuner parce que sa mère à lui ramait grave, et pour icelle son fiston s'était régalé à ses frais, elles ne se connaissaient pas, tout allait bien.
Sauf qu'on arrivait jamais à claquer, on était nuls malgré nos centaines de tentatives et bien que le tilt de ce café-là ne fût vraiment pas réglé sur la sensibilité minimum.
Mais bon, on s'entraînait, on apprenait à faire des fourchettes, on se disait qu'un jour on arriverait bien à assurer un max et qu'on finirait par être le Roi Carotte.

Et c'est justement ce qui s'est passé ce soir-là, le soir du jubilé du mariage de mes aïeux : c'est pas trois parties, que j'ai faites avec ma pièce de cinq francs (0,7652 € et des poussières en 2002), c'est je sais pas combien, c'était fou, j'arrêtais pas de claquer spécial sur spécial, sans compter les extra-balles, avec toutes ces billes qui tombaient jamais dans les couloirs ni dans le puits et que je réenquillais direct dans l'arcade magique !

J'ai perdu toute notion du temps, et d'un coup la porte du troquet s'est ouverte à toute volée, et mon paternel furibard s'est mis à me hurler dessus que ça faisait une heure qu'il me cherchait partout, dans tous les tabacs du quartier, que toute la famille m'attendait pour aller au restau, il était vraiment furax, je l'avais jamais vu aussi congestionné.

Décontenancé, ahuri, j’ai lâché les commandes, toutes les billes sont tombées dans le trou, la partie était foutue (mais j’en avais encore plein créditées au compteur, je me souviens avoir follement, en ce moment d’égarement, espérer terminer le jeu…)
Et puis presque aussitôt, mon père a retrouvé son calme, un calme terrifiant, et il m’a demandé de poser ma main droite bien à plat.
Par réflexe, je l’ai posée sur la vitre du flipper, mais il a fait tss-tss de la tête, comme pour signifier qu’il risquait de la briser.
Pas con, le mec. Colère refroidie, de celles qui font le plus flipper. Ça tombait bien, si l’on y réfléchit…

Alors j’ai posé ma main bien sagement sur la table de bistrot la plus proche, et aussitôt j’ai dégusté la mandale la plus violente de ma vie, pire que l’ensemble de toutes celles qu’il m’avait administrées auparavant.
Le savon mahousse.
J’ai cru qu’il m’avait brisé tous les os d’un coup, les carpes ou les tarses je sais pas je confonds toujours je sais juste qu’il y a aussi des méta, des met ta main là.
J’étais Robert Ryan dans Nous avons gagné ce soir, j’étais Marlon Brando dans le dernier quart de La vengeance aux deux visages.

Mais non, il m’avait rien pété en fait (faut dire qu’il était toubib, il devait s’y connaître un peu).
Il m’avait juste flanqué ce dernier savon mahousse de ma vie, moi je moussais guère.
Il a bien vu que je retenais mes larmes de douleur, des geysers qui menaçaient de jaillir, que la morve s’écoulait en rizière de mon pif, alors soudain un peu gêné il m’a proposé un mouchoir en papier, et là — parce que cinéphile en V.O. j’étais devenu vachement anglophone, comme susdit, mais carrément à savoir imiter Bogart ou James Mason avec leurs accents respectifs — là, vu de maintenant, j’aurais vraiment aimé lui avoir répondu :

« J’aime pas le soap, Alain. »

Et voilà, ha ha.




Ah, tu crois que c'est une blague ?
Ben… comme le susurre si suavement ce fou furieux de Julien Barthélémy (qui aurait pu jouer le personnage d'Elliot dans Mr. Robot) :
« Prends ça comme un jeu… »
(et d'abord, où t'étais pendant des années, hein ?…)