Le spectacle valait le coup samedi 24 novembre en forêt de Rohanne, où la résistance collective a atteint des sommets d’intensité, de détermination, de cohérence. Bouteilles, cailloux, terre, fusées, feux d’artifices, cocktails Molotov, morceaux de bois et billes d’acier… les flics, c’est comme les cochons : ça mange de tout. Tant mieux : deux jours durant les opposants répartis sur la ZAD leur ont offert un menu varié et copieux, le « spécial Notre-Dame-des-Landes ». Certes, les bleus ne sont pas exempts de cette générosité qui leur est si particulière : ils distribuent dans des proportions effarantes gaz lacrymogènes, grenades assourdissantes et balles en caoutchouc, ce qui peut finir par devenir gênant ; lors d’une de ces séquences de guérilla bocagère de légende où cela pète dans tous les sens, je me suis fait allumer au flashball, sans conséquence.
Ah ! il fallait voir le peuple des prés défendant par sa présence aux abords des bois les combattants cagoulés contraints d’en sortir pour se replier, avides d’air pur, d’anonymat, de convivialité. Comme il fallait être avec cette foule de gens aux visages découverts dansant au plus près des lignes, au point d’en bousculer les flics, et applaudir les Irréguliers les protégeant à leur tour à coups de pierres et de branches contre la flicaille en panique (rendez-vous compte : un cercle de braves chantant bras dessus et bras dessous une ridée), après qu’elle les eut gazés.
À un moment un commando de condés suréquipés a essayé de contourner l’énorme souche renversée formant un monticule d’humus derrière laquelle s’étaient retranchés nombre de camarades, afin de les déloger de ce bastion imprenable d’où partaient d'incessantes attaques. Dans ces bosquets denses et humides, le mouvement des poulets était rendu d’autant plus difficile que derrière chaque arbre, tapis aux abords du fossé tous les copains se sont figés, projectiles à la main prêts à tirer. Sur nos arrières vinrent les pétroleuses, avec des sacs de pierres à distribuer : soudain des dizaines d’âmes vaillantes étaient équipées d’un moyen de défense, et toutes étaient tendues vers un seul objectif : empêcher les cognes de progresser. Le temps s’est suspendu… Personne n’en menait large, mais que nous avions du courage ! Et que nous étions beaux, tous ensemble à les mettre au défi de passer ! Ainsi, en butte au harcèlement des premières lignes de tireurs, couvertes par la seconde et la troisième de caillasseurs, morbleu ! ils n’y sont pas arrivés.
Il leur aura fallu douze heures pour déloger les opposants installés dans la canopée, abattre dix arbres et détruire une cabane. Mes amis, en vérité je vous le dis : nous sommes légion, quoi qu’ils saccagent, on le reconstruira. Quant aux arbres, il en reste des milliers.
Deux jours auparavant, j’étais en compagnie d’un ami accordéoniste avec qui, perché sur une barricade du chemin de Suez, je dégustais un verre de muscadet, non loin du Rosier. Nous devisions sur l’art, sur l’improvisation, sur la beauté, et il nous est apparu que, quel que soit notre rôle dans la vie, il est vital de cultiver sa singularité. Dès lors, lutter à Notre-Dame-des-Landes c’est offrir à tous l'espoir, la force, le courage de vivre un rêve.
Car c'est d'un rêve qu'il s'agit, et il ne cesse de s’épanouir.
Ah ! il fallait voir le peuple des prés défendant par sa présence aux abords des bois les combattants cagoulés contraints d’en sortir pour se replier, avides d’air pur, d’anonymat, de convivialité. Comme il fallait être avec cette foule de gens aux visages découverts dansant au plus près des lignes, au point d’en bousculer les flics, et applaudir les Irréguliers les protégeant à leur tour à coups de pierres et de branches contre la flicaille en panique (rendez-vous compte : un cercle de braves chantant bras dessus et bras dessous une ridée), après qu’elle les eut gazés.
À un moment un commando de condés suréquipés a essayé de contourner l’énorme souche renversée formant un monticule d’humus derrière laquelle s’étaient retranchés nombre de camarades, afin de les déloger de ce bastion imprenable d’où partaient d'incessantes attaques. Dans ces bosquets denses et humides, le mouvement des poulets était rendu d’autant plus difficile que derrière chaque arbre, tapis aux abords du fossé tous les copains se sont figés, projectiles à la main prêts à tirer. Sur nos arrières vinrent les pétroleuses, avec des sacs de pierres à distribuer : soudain des dizaines d’âmes vaillantes étaient équipées d’un moyen de défense, et toutes étaient tendues vers un seul objectif : empêcher les cognes de progresser. Le temps s’est suspendu… Personne n’en menait large, mais que nous avions du courage ! Et que nous étions beaux, tous ensemble à les mettre au défi de passer ! Ainsi, en butte au harcèlement des premières lignes de tireurs, couvertes par la seconde et la troisième de caillasseurs, morbleu ! ils n’y sont pas arrivés.
Il leur aura fallu douze heures pour déloger les opposants installés dans la canopée, abattre dix arbres et détruire une cabane. Mes amis, en vérité je vous le dis : nous sommes légion, quoi qu’ils saccagent, on le reconstruira. Quant aux arbres, il en reste des milliers.
Deux jours auparavant, j’étais en compagnie d’un ami accordéoniste avec qui, perché sur une barricade du chemin de Suez, je dégustais un verre de muscadet, non loin du Rosier. Nous devisions sur l’art, sur l’improvisation, sur la beauté, et il nous est apparu que, quel que soit notre rôle dans la vie, il est vital de cultiver sa singularité. Dès lors, lutter à Notre-Dame-des-Landes c’est offrir à tous l'espoir, la force, le courage de vivre un rêve.
Car c'est d'un rêve qu'il s'agit, et il ne cesse de s’épanouir.
Stéphane Cattaneo