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vendredi 24 juin 2022

Une chambre en ville
(Hôtel de Suède, chambre 12)


France Culture diffusait au début du mois une passionnante série d'entretiens d'Antoine Guillot avec Claude Ventura, réalisateur truculent d'intelligence que je ne connaissais jusqu'ici que pour sa participation à cette merveille télévisuelle que fut durant dix ans l'émission Cinéma, cinémas aux côtés de Michel Boujut, Anne Andreu, André S. Labarthe, Philippe Garnier et Guy Girard, entre autres (excusez du peu !)


Dans ce quatrième entretien, Claude Ventura revient en détail sur cette aventure des années quatre-vingts dont on peut aujourd'hui encore éprouver l'incroyable créativité grâce au fils de Michel Boujut, Thomas, qui a gracieusement mis en ligne pas moins de 125 épisodes de Cinéma, cinémas, notamment celui-ci avec Pascale Ogier (actrice dont cause Claude Ventura dans l'entretien ci-dessus mais là c'est pas la séquence des petits papiers puisque c'est du Boujut et pas du Ventura) :

À quoi je me permets d'ajouter, en piochant au hasard, ce témoignage de Janet Leigh sur le tournage de la scène de la douche dans Psychose, mais tout est bon dans le… (cochons tous les épisodes de ce fabuleux magazine !) :


Disons-le tout net : c'est le cinquième entretien qui m'intéresse spécialement ici…


… car j'y ai appris qu'au moment où Antenne 2 a brutalement annoncé en loucedé à l'équipe la suppression de Cinéma, Cinémas, Ventura préparait un sujet sur l'histoire du tournage d'À bout de souffle, qu'il a heureusement pu ensuite concrétiser avec Xavier Villetard en une sorte d'enquête documentaire format polar, diffusée sur La Sept/Arte en 1993.
On y apprend que la séquence centrale du premier long-métrage de Godard, qui occupe un bon quart du film (de 00:28:19 à 00:52:43, plus de 24 mn sur un total d'1h30) a été tournée à l'hôtel de Suède, 15 quai Saint-Michel, dans la chambre 12, durant l'été 1959.


Minuscule espace où convolaient en justes gosses tant que faire se pouvait Belmondo, Jean Seberg, Godard, la scripte Suzanne Faye (qui transcrivait à l'arrache les dialogues tout frais écrits par Godard qui les dictait sur le fil aux acteurs, de manière à pouvoir les enregistrer ensuite en post-synchronisation) et Raoul Coutard qui tirait au max les possibilités lumineuses de la pellicule d'alors, exacerbons les ASA jusqu'à la lie !
Aujourd'hui l'hôtel a changé de nom et coûte bonbon (400 à 700 € la nuit), impopo de s'y payer une chambre au mois pour une Amerloque bohême qui cherche son Jules.

Coup de pot, comme l'annonce ingénument Claude Ventura en quasi-direct lors du quatrième entretien, ce doc de deuxième souffle (hé oui, Melville apparaît brillamment dans le premier Godard, dare-dare mais pas pour les gogos ! — et à ce stade on ne sait plus si c'est là Ventura, d'Antonioni ou Lino ou Claude) est actuellement visible, sur la plateforme « Henri » bouldingue de la Cinémathèque française. (Et l'on s'aperçoit avec amusement — ou bien est-ce une pirouette de plus ? — que lors de l'entretien avec Antoine Guillot, Claude Ventura se mélange un peu les pinceaux trente ans après dans les coups de fils d'alors à Godard : la réplique « Vous rêvez ! » de JLG, c'est pas du tout au sujet du dialogue final. Mais cela ne fait évidemment qu'ajouter au charme de cette histoire…)

Si l'on compte les séquences d'À bout de souffle tournées dans cette chambrette, il n'y en a en fait que deux dans le film :

— la première, fort brève, lorsque Michel Poiccard leurre le pipelet et se faufile dans la turne de Patricia pour y faire un brin de toilette et quêter (en vain) quelques anciens francs :

— et la seconde, bien plus étendue et qui constitue comme précisé ci-dessus le cœur du film, où se déploie l'histoire entre Michel et Patricia. Ça débute ainsi, ça va se poursuivre durant 23 mn, c'est une bombe nucléaire dans l'histoire du cinéroshima mon amour :

Incidemment, et c'est peut-être un autre hasard des mises à disposition sur la Toile — indépendamment d'ailleurs du récent décès de Jean-Louis Trintignant —, il se trouve que depuis plusieurs mois le site d'Arte propose pour notre plus grand bonheur trois films d'Alain Cavalier, dont le tout premier, Le combat dans l'île (1962), avec notre Mastroianni national JLT et Romy Schneider (pas celle de la liste, si, si ! euh… je veux dire non, non, je confonds avec Schindler, merci de renvoyer l'ascenseur ou ses frères avec Rocco !)* et aussi Maurice Garrel qui dix ans plus tard ne sera pas qu'un mannequin dans Nada mais c'est une autre histoire, même si je gage que Manchette aurait apprécié de se voir adapté par Cavalier, le seul à avoir jusqu'alors correctement adapté Stark/Westlake (Mise à sac, 1967).

Ainsi, toujours incidemment (mais tel était bien le désir de Chimène, non ? « Un Cid amant… »)*, peu après avoir écouté cette série d'entretiens de Claude Ventura et conséquemment visionné cet ahurissant docu-polar de 1993 sur la genèse d'À bout de souffle (film qui avec Les 400 coups figura lui-même la genèse du cinéma français des deux décennies suivantes) j'ai regardé avant-hier Le combat dans l'île — une pure merveille, soit dit en passant, comme tous les Cavalier, et pourquoi diable ne l'avais-je jamais vu auparavant, je m'en mordrais les framboises moi qui suis dingue de Cavalier et notamment du Plein de super depuis que Patrick Brion l'avait présenté au Cinéma de Minuit au début des années quatre-vingt mais en vrai c'était peut-être Claude Jean-Philippe un vendredi dans son Ciné-club d'Antenne 2 après Apostrophes où Pivot l'accueillait goguenard mais en fait je me souviens très bien que sous Giscard était passé très tard Martin et Léa et que je regardais ça depuis le canapé rembourré de la maison normande familiale sous l'œil bienveillant de mon jeune oncle qui avait la réputation (usurpée) d'être soixante-huitard et que dès que dans le film ils ont commencé à se foutre à poil pour se fourrer au lit mon tonton a blêmi et m'a enjoint d'aller moi aussi me pieuter mais tout seul comme un benêt et moi je trouvais pas ça juste pour une fois qu'il se passait un machin un peu rigolo à la télé mais après Agnan il m'a dit que c'était des trucs pour les grands et que si j'en causais comme ça à tort et à trac le Bouillon il allait nous faire les gros yeux et)*

Hem, bref, que vois-je, qu'halluciné-je, quoi qu'est-ce, glurk ?
Dans Le combat dans l'île, Cavalier qui tout comme Louis Malle musarde loin de l'écurie des Cahiers s'amuse à lancer cette maousse allusion au film-phare de la « Nouvelle Vague », deux ans après :

Le spectateur averti par le Douze Suede Show de Claude Ventura et le revisionnage d'À bout de souffle en a le souffle coupé, il est à bout (comme dans le film de Murnau et Flaherty cher à Rohmer).

Il se trouve que les scènes de l'appartement bourgeois de Clément et Anne ont été tournées dans l'appartement de Louis Malle, comme le précise Alain Cavalier dans ce documentaire paléographique de 2012, 50 ans après la sortie du film :



(détail amusant : ma compagne de jadis me présenta un jour, peu avant qu'elle me quitte, son ami-amant qui n'était autre que le fils de Henri Serre et qui m'a alors refourgué  des montagnes de cartons des très estimables éditions Encrages, qui avaient notamment édité la première traduction française du recueil de Grace Paley, Énorme changement de dernière minute. Mais tout ceci n'a rien à voir avec cet autre film emblématique de la Nouvelle Vague, Jules et Jim,  malgré les circonstances : disons qu'il s'agissait plus de tangente que de parallèles…)

Tout ça bien pesé, que penser alors de la séquence suivante du Combat dans l'île dans l'hôtel de Suède (la seule in situ, à vrai dire) :

Car à voir Clément se précipiter ainsi dans la chambre 12 de l'hôtel de Suède (adresse à l'époque inconnue des cinéphiles d'À bout de souffle), on se demande soixante ans après si ce n'est pas pour tenter d'y retrouver — plutôt que sa femme Anne dont il sait qu'elle a rendu la clé — les traces de la genèse de cette Nouvelle Vague pourtant alors toute fraîche émoulue, deux-trois ans à peine…
Y a-t-il seulement un sens à cette extrême attention subite que Clément porte au cendrier dessiné par Meheut dont on comprend qu'Anne l'a dérobé au restaurant Prunier : « Toute la mer - À Londres - À Paris », était-ce une manière de chercher à noyer le poisson de la Nouvelle Vague avant même qu'il ait été repêché puis saumuré — chabrolisé, truffaldisé, rohmerisé… — par ses créateurs même ?


* Désolé, je m'égare — comme eût dit Euclide —, c'est sans doute l'influence de John Warsen, ce grigou (arf !) seul auteur et finalement le seul blogueur qui vaille à mes yeux chassieux, à balancer à tire-larigot ses grégaires solos tarés (pfff !) de haïdouk…

jeudi 16 juin 2022

La société contre l'État ?
La lutte de Clastres !


Voici bientôt quarante-cinq ans que Pierre Clastres s'est mortellement gamellé en bagnole, à 43 ans, sur « une route solitaire de campagne, alors qu'il cherchait un raccourci que jamais il ne trouvera », comme le clamait le générique d'une célèbre série télé de l'époque.
Ce fin penseur praticien foudroyé en pleine réflexion n'a pas peu compté pour nous autres, malgré la maigreur de ses publications.

Adonques France Cul rediffusait le 1er juin dernier un ACR du 18 février 1975 : Qu'est-ce que c'est que ces chefs sans pouvoir ?
Clastres s'y avère aussi malaisé à l'oral qu'il fut rétif à se faire photographier, à laisser des traces perso : ça devait le turlupiner de jacter aux micros du pouvoir, de devoir causer comme un chef (on ne l'imagine guère créer un compte FB ou une chaîne Ioutioube d'influenceur…)
Mais cela rend ce trésor tout aussi précieux aux oreilles qu'à la comprenette.

mercredi 8 juin 2022

Divine surprise ou cabotinage ?



Rien certes de divin dans cette histoire pour l'ami Wroblewski, tout aussi indécrottablement athée que ma pomme, mais il conviendra tout de même que la coïncidence est assez stupéfiante, lui qui voici pile trois ans reçut un chèque de 45 € pour avoir posté une question banco au sujet de l'incipit de Tristes tropiques qui laissa cois les candidats : il sait que les questions arrivent en nombre aux sélectionneurs du Jeu des mille euros, qui trient celles qu'ils ont retenues selon leur niveau estimé de difficulté, et qu'une brassée sous enveloppes anonymes est confiée pour la semaine à l'animateur Nicolas Stoufflet, qui lui-même en présente pour chaque niveau de questions une dizaine aux candidats, parmi quoi ceux-ci piochent au hasard.

Bref, ça s'est passé dans l'émission diffusée avant-hier, lundi 6 juin, où une certaine Divina Cabo tentait sa chance, au moment de la troisième question bleue — et là c'est l'animateur qui en est resté coi :

(Soit dit en passant, c'est devenu sacrément galère de rapatrier le lecteur embarqué depuis quelques semaines : le tout nouveau tout beau site de Radio France étant d'une impéritie mammouthesque, il n'y a plus de bouton dédié à l'exportation des émissions : voici qu'il faut de nouveau jouer les acrobates du HTML !
L'astuce consiste à repérer dans le code-source de la page de l'émission le terme « diffusionId », de récupérer le charabia de lettres et chiffres qui suit puis d'insérer celui-ci à la place idoine dans le bloc de code de l'ancien lecteur — qui n'est évidemment pas le même pour France Cul et pour France Inter, ce serait trop simple !)