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mercredi 27 mars 2019

Simon et Joseph ? Frayons sans effroi avec ces frères guère évangéliques !


Simon Johannin et Joseph Ponthus ont publié chacun dans leur coin en ce début d'année un deuxième opus :



De Simon, on avait parlé ici voici deux ans après avoir durement savouré son premier roman, paru chez Allia en 2017.
Pour le deuxième, Nino dans la nuit, chez le même éditeur, il co-signe cette fois avec son épouse Capucine.

De Joseph, distrait que nous sommes, on n'avait pas pas parlé en 2012 lors de la publication du remarquable ouvrage Nous… la Cité (La Découverte, coll. « Zones »), dont il avait pris l'initiative et où il coordonnait les récits du quotidien de quatre jeunes de Nanterre qui firent confiance à l'éducateur de rue qu'il était alors :


Mais on a tout de même beaucoup causé de (et avec) lui ici-même (et ailleurs), lorsqu'il tenait la barre du très chouette blogue Ubifaciunt ou qu'il rédigeait d'impeccables chroniques pour Article XI — canard pour lequel on s'est échiné ensemble (et puis avec l'ami Wroblewski) à concocter d'abracadabrantes grilles de mots croisés…

Et puis voilà que sort à La Table Ronde À la ligne – Feuillets d'usine, où il s'avère enfin comme un écrivain de grande classe, après avoir emprunté presque autant de pseudonymes que de chemins de traverse : khâgneux de fortune, éducateur de rue par choix, blogueur discret mais tonitruant, anarchiste acharné, élégant chroniqueur et verbicruciste, tireur à la ligne et à la lie de l'usine et breton d'accointance, en attendant d'autre aventures…

Bref, Joseph, Simon et Capucine se sont retrouvés à causer ensemble sur France Culture dans l'émission Le temps des écrivains le 2 mars 2019 :



Mais sur la même chaîne, Capucine et Simon étaient les invités de Tewfik Hakem ce 18 février :



et auparavant, d'Aurélie Charon le 5 janvier :



cependant que Joseph ponthusifiait sans phare — mais illuminant et allumé ! — chez Marie Richeux le 15 février :


dimanche 24 mars 2019

Plans rapprochés


Trois photogrammes du Psychose d'Hitchcock (1960)…




… et du Brazil de Terry Gilliam (1985), discrètement pétri d'une foultitude de références acidement savoureuses qui multiplient Orwell par Kafka et où l'Icarie s'esquisse en chromo, entre autres (au point de se demander si le dénommé Eric Blair n'aurait pas préféré ce film-là à la très fidèle adaptation de 1984 par Michael Radford, sorti justement l'année précédente) :




Je crois me souvenir que Godard, dans son Histoire(s) du cinéma, établit de façon très époustouflante nombre d'hommages intra-cinématographiques de ce genre, ce qui témoigne chez lui d'une ahurissante mémoire de chacun des films qu'il a vus (sans possibilité facile de les revoir, à l'époque, rappelons-le : il fallait disposer d'une mémoire visuelle réellement prodigieuse, pour en plus se souvenir encore de ces correspondances de plans plusieurs décennies plus tard).



vendredi 22 mars 2019

Plagiat par anticipation


Des blouses blanches aux gilets jaunes, Lars von Trier avait tout de même plus de trente ans d'avance…


(Epidemic, 1988)

mardi 19 mars 2019

Bandit mais Courtois




Il est loin, le 19 décembre 1985.


Soir 3 du 19 décembre 1985
On peut lire un récit détaillé de cette aventure ici, sous la plume de Brice Henry

Le carnaval est terminé, Georges Courtois s'est définitivement fait la belle samedi après un dernier coup de feu.

Je me souviens qu'il m'avait raconté en 1997 cette blague de taulards à propos de Lady Di, avec sa foutue gouaille chaleureuse :

— « Hé ben maintenant on sait pourquoi il s’appelle comme ça, le pont de l’Alma !
— Ah ouais , pourquoi ?
— C'est un acronyme pour "Attention, La Mercedes Arrive" ! »

On peut lire ici un bel hommage à ce réfractaire qui sut agir avec force, courage et détermination, et constater ses talents épistolaires.


Bande-annonce du film de Fred Goldbronn, Georges Courtois, visages d'un réfractaire (1996)

mercredi 13 mars 2019

Georges Guingouin, l'esprit de Résistance
(un ohm, un vrai !)



Attention, document exceptionnel !

Voici pile vingt ans, Geneviève Huttin proposait sur France Culture une série d'entretiens avec Georges Guingouin, alors âgé de 86 ans, pour l'émission À voix nue.

Cet ensemble a été rediffusé en deux parties la nuit dernière et la précédente :



lundi 11 mars 2019

Des mots pour une voix : deux textes à propos de l'autobiophonie lardée de rêves de Fred Deux



En 2017, deux expositions majeures rendirent hommage à Fred Deux, deux ans après sa mort.

D'abord à Lacoux, au Centre d'art contemporain qu'il avait fondé au début des années 70 avec Cécile, Roche vive — cf. deux, du 3 juin au 10 septembre (exposition commune avec l'URDLA de Villeurbanne du 3 juin au 22 juillet).

Et puis Le monde de Fred Deux, au musée des Beaux-Arts de Lyon, du 20 septembre 2017 au 8 janvier 2018 :



Pour les catalogues de ces expositions, deux amis écrivirent des textes qui témoignaient chacun à leur manière de l'effet que leur fit l'écoute des bandes magiques (à la diffusion desquelles je me réjouis  d'avoir contribué, et ces textes, je les contresigne des deux mains, c'est comme si je les avais écrits moi-même).

Tristan a décrit cette fragrance de fragments ressaisis pour l'expo de Lacoux-Villeurbanne :

Les Bandes Magiques
(pour Cécile et pour l’Ex-homme-âne-yack)



« Ici Fred, ici Fred, j'essaie de mettre en route cet appareil. J'écoute. » (89.1)*
Vers 1963, Lacoux.
Cécile Reims et Fred Deux ont repris la maison du vieux Séraphin, dans le quartier de sous la velle, le quartier du haut du village du bout du monde. « Là une immense faille, une immense plaie, une déchirure : le Jura qui s’était cassé là, le Jura avait cédé. » (émission « Fiction 30 », 9 mars 2000)

Fred à cette époque comme le village est dans une faille. Il a écrit La Gana et s’est mis à Sens Inverse, mais comme dessoudé plus rien n'avance, ni l'écriture ni dessin.
Surgit alors chez eux un lecteur curieux qui, récoltant sans y croire cet aveu sans espoir, repart laissant derrière lui les semaines passer.

C'est par courrier et dans un carton qu'arrivera l'inattendue thérapeutique proposée par l'homme. Un petit magnétophone, un micro, quelques bandes.

Un temps pour accepter à ses côtés cette nouvelle présence, un temps d'apprivoisement et les premiers souffles enregistrés, la première voix. Fred se lance.

Il ne sait pas ce qui va arriver, et parce qu'il n'y avait pas de raison que ça arrive en ressort 30 ou 40 bandes plus tard sans en savoir davantage. Quatre fois encore les bandes seront sorties : 1972-73...1983... 1993, 1994. La dernière fois exceptée, une dizaine d'années s'accumule pour que « la poussière finisse par devenir un peu de terre, et que de là on soit mieux pour aller fouiller. » (93.1)

Fred devient un homme aux trois territoires: le dessin, le texte, la parole; chacun devant sans troubler l'autre trouver et préserver sa place.

Si avec Nœud Coulant l'expérience d'une transcription des bandes vers l'écriture le laissera insatisfait, la question de l'alternance entre le dessin et la parole le travaille. Ce qui est à craindre c'est « ce relais que la parole veut prendre, la parole qui voudrait doubler le dessin (...) c'est à la fois tout à fait différent d'un dessin et c'est très proche d'un dessin. Ce qui est certain c'est que ça n'a rien à voir avec de l'écriture ; ce n'est ni proche ni loin de l'écriture, c'est autre chose. Le dessin est une parole rentrée que l'on fait sortir et que la parole comme [il] l'utilise là c'est une parole qui va chercher quelque chose qui est enfoui. » (91.1)

Si la puissance des bandes pourtant l'impressionne, c'est en rituel magique qu'elles seront invoquées. Magique, oui : « ils appellent ça des bandes magnétiques, mais c'est des bandes magiques aussi. » (90.3)

Désenfouies lorsque la machine de Fred se grippe et qu'il s'agit d'y voir plus clair. Remuer la chose, explorer l'en-dedans, chercher une voie.
Là, un merdier d'histoires à « SE » raconter, à retrouver « devant une petite bouche qui guette tout ce que vous dites et qui le ramasse, et au bout de cette bouche la mémoire qui s'inscrit. » (132.4)

Chaque histoire, il « la retournera des milliers de fois, et des milliers de fois il y aura un autre sens. » (27.1) Celle capturée sur une bande, dans un paragraphe ou par un dessin sera la variation d'une histoire primitive, fondamentale et profonde qui toujours nous échappera, et le long de laquelle Fred n'en finira de creuser.

Malgré les détails sculptant chacune, c'est donc toutes ensemble qu'il faut recueillir les divergences de ces versions buissonnières. Le vrai est à ce prix, « le vrai existe », le vrai est dedans et pour ainsi le révéler il aura fallu le triturer jusqu'à côtoyer « l’énormité du faux, parce que là d'où je sors on ne sait pas ce qui est vrai et ce qui est faux. » (48.6)

À sa grand-mère aveugle déjà réinventait-il en lisant les histoires du journal, mais le dialogue arbitré par les bandes le confronte désormais à son « autre moi. » (132.3)

Jamais pratiquement Fred n'aura réécouté les bandes, et s’il lui arrive de le proposer à Cécile ou à quelque ami, il n'y a pas là de but. La parole délivrée importe davantage que sa conservation ; et pour laisser place à une nouvelle parole les premières bandes seront effacées. Pas davantage que l'écriture ou le dessin ne seront destinés à un tiers, les enregistrements ne l'auront été pour être écoutés: « J’ai fait ça pour personne; personne ne va écouter ça. » (88.2)

Il aura fallu 1998 et leur édition sur disques par André Dimanche, précédée de leur numérisation pour la BNF par Madeleine Solà et Alain Trutat, pour que Fred assume les bandes comme un geste artistique à part entière, avec le partage induit : « Maintenant il faut que ça tourne, il faut qu’on les écoute. »

Mais cette écoute demandera un engagement à la mesure de celui qu'à sa table Fred aura. « Ce que je fais m'agite » (89.1) et « c’est très fatiguant de parler » (01.02), très, car ce fouissement se trouve mû par un état davantage que par une préparation. 
Pour laisser venir la parole sans la déflorer, très peu de notes, tout juste quelques miettes reliées par le flot. Alors, « quand je vais ressouder ça, la phrase va être inattendue mais connue profondément en moi, très profondément. Donc une immense surprise, pour ne pas dire une bousculade à l'intérieur de moi, mais reconstitution. » (93.1)

Dans un rapport similaire au dessin Fred sert d'intermédiaire, et la parole un transport passant par lui, jusqu'à vouloir « avaler le micro (...) il n’aurait plus besoin de parler, ça coulerait tout seul. » (01.2)
Tout ça comme la vie « c’est un breuvage, et il faut le boire. »

Traversé par ce flux, plusieurs fois le trouble est sensible, la voix agitée et les phrases heurtées (57.2) ; c'est que la mécanique du ressouvenir se trouve elle-même dans une nervosité s'ajoutant à celle intérieure qui le fait venir au micro. « J’ai arrêté les bandes, tout est revenu; je ne dors plus, j'ai des grandes peurs, j'ai des douleurs, je suis obligé de me lever. » (91.1)

Vidé, une force l'invoque et l'ébranle ; mais vidé c'était déjà une force.

« Voilà, il y aura eu ça dans ma vie: résistance et irrésistible. » (132.3) Toujours la Gana, « à la fois la plus forte des forces est la plus faible des faiblesses, puissance originelle et impuissance tout ensemble », où se réconcilient les contraires, à l'embrassement desquels Fred se confronte.

Pour une quête sans issue un mot sans réponse : « Pourquoi ? »

« Faire ça pour y voir clair ? Faux. Faux. Je ne vois pas plus clair aujourd'hui (...) C'est l'inutile qu'il faut dire. Moi j'accepte que ce soit l'inutile (...) Alors pourquoi je fais ça ? Pourquoi je parle de la mie de pain, des yeux du bouillon, de la combinaison de ma mère, de la mort de Zerbid ? Pourquoi j'ai parlé de l'imitation et de la passivité ? Pourquoi (...) J'ai pas besoin de comprendre ; j'ai pas envie. Quand je pose la question "pourquoi ?", ça pourrait être commencé par un point d'interrogation ? » (88.2)

Aucune justification ne sachant rien résoudre, lorsque sont évacuées ses peaux mortes demeure le geste. Creuser, usiner, gratter, comme à l'usine. Causer.

Toujours sa propre matière première, c'est « à lui-même qu'il parle » (48.6) et chaque personnage traversé devient une part de lui. Tous existent dans lui et dans les bandes par lui. Tous eux-mêmes se mélangent, se modèlent et se travaillent, façonnés et rendus à travers les histoires et le temps. Et au milieu, Fred, lui-même traversant le temps et les personnages, pour s'y retrouver.

Et pour se retrouver, ce qu'il faut se perdre ! Dans le temps, dans les histoires, et dans lui-même.

« Est-ce que vous me suivez, vous ? Ouais, ouais, je vous suis, me dit le Lyonnais en face de moi... Je l'avais un peu oublié, je me parlais à moi-même. » (48.6) Alors combien de Fred dans ce « visiteur de La Gana » ? Combien de Fred dans Leroy ou dans Casquette?
Chaque rencontre a son essence propre, mais les racines s'entremêlent et les reliant Fred comme souche. Et si c'est à ces êtres aux contours agités et bruissants que Fred dans l'évocation s'adresse, c'est d'abord de lui à lui que la parole chemine. « Les ruelles... J'ai tellement parlé des ruelles de La Châtre. J'ai aussi parlé des ruelles à Boulogne. La rue du Port à Boulogne, elle est plus belle que les rues de La Châtre. Hmm, il y a des ruelles à La Châtre qui sont plus belles que la rue du Port, faut pas les opposer. Non, mais j'aimais mieux Boulogne que La Châtre. »(88.2)

Seulement parfois, débordant d'entre les rives, nous laisse-t-il affleurer cet auditeur magique dont la place nous hèle. Comme par surprise, le tutoiement : « tu vois » (132.4), « tu sais » (93.2). Comme par surprise, le vouvoiement : « ce que je viens de vous dire » (26.1) ou encore, après s'être surpris à roter et jurer au cours d'une phrase, « excusez-moi. » (91.1)

Cette brèche dans le dialogue intérieur trouvera son déploiement naturel dans les entretiens radiophoniques qui en un sens ont pris le relais à partir des années 90.

Mais avant encore, à l'éclosion déjà des bandes la voix était toute proche, tournée vers nous, et accompagnée du regard.

Une série de reportages tournés à Lacoux et l'on découvre ce que Fred jamais peut-être n'aura évoqué : le Centre d'Art Contemporain que Cécile et lui ont créé dans l'ancienne école du village.

La voix est là, elle nous parle, et en contrechamp ce qui a nourrit tant de bandes apparait: le village, les habitants, les gestes, les présences ; une miette de la vie à Lacoux.

Dupont est là. Griot est là ; il roule son clope. Ce même clope décrit sur une bande par Fred : « Puis on s’est retrouvés là à fumer. Il m’a tendu son paquet de tabac, j’ai roulé une cigarette — il était très curieux de me voir rouler une cigarette. Lui, il avait des doigts qui n’étaient pas faits pour les rouler et qui pourtant réussissaient mieux que moi avec mes doigts fins. » (26.2) Ces doigts... on les voit.

On ne verra pas les autres, ou bien sans les reconnaître, mais on les sent, on les sait, eux aussi ils sont là.

Griot, Dupont. Et les autres : ils sont tous là, en dehors du cadre mais profondément dans le champ, invisibles mais présents. Maclais, « un immense bonhomme » qui avait coupé son pouce parce qu'il était pourri. Jeanne, la femme de Griot et la fille de Maclais, qui avait le palais défoncé et se levait la nuit pour aller marcher toute seule là-haut, vers la Vierge. Les Bagulet, Éric qui écrivait aussi sur des bouts de papelards et Suzanne qui tirait les cartes. Le vieux Tony, qui habite le quartier du centre et dont « l’exploit de la guerre de 14 avait été de foutre un coup de poing dans la gueule du capitaine ». « La grosse », obnubilée par les taches dans l'atelier de Fred, et son mari qui martelait la pierre pour faire sa tombale, lui aussi né à Boulogne. Un peu de Fred encore. Et Vucher. Et le gars de la place, qu'on appelait « la Météo » parce qu'il passait son temps à noter sur son calepin les détails du temps. Mais aussi, « le Rougeot », un gros bonhomme à qui on ne pouvait se fier, « une tête de con ». Et « le Mutilé », le vétéran du village qui a perdu sa jambe à Verdun « le 17 juillet 1916, sous un feu nourri d'artillerie ». Ils sont là.

Et Cécile.

Et les chats.

Et nous, au bout, quelque part.

* La notification des extraits cités renvoie au recensement tel qu’il est disponible sur le site Gallica et sur lesbandesmagiques.fr : d’abord le numéro de la cassette, puis celui de la partie.

Et Emmanuel Guibert a publié cette magnifique exhortation dans le catalogue de l'expo Le monde de Fred Deux (Lienart, 2017) :

Ecoutez Fred Deux ! by on Scribd



Le 22 septembre 2017, une soirée exceptionnelle a réuni au musée des Beaux-Arts de Lyon Frederick Aubourg, Georges Monti (des éditions Le temps qu'il fait), André Kleim et Emmanuel Guibert, qui chacun nous offrirent un aperçu des trois outils de Fred :