Jusqu'au 5 mars 2018, la Bibliothèque Publique d'Information du centre Beaubourg consacre une exposition à Jean Echenoz, assaisonnée de quelques fioritures autour de son œuvre.
Naturellement, France Culture a consacré plusieurs émissions à cet événement, la plus intéressante à mon sens étant celle de Marie Richeux mercredi 13 décembre (annoncée pour la veille, mais bah ! qui s'en soucie ?) :
Peu auparavant, Jean Echenoz a été l'invité de la première partie de La grande table du 4 décembre…
… et encore avant, le 28 novembre, Tewfik Hakem lui avait consacré son émission matinale, où intervenait notamment Gérard Berthomieu :
Dans le cadre de cet entretien, un livre saute aux yeux dans la bibliothèque d'Echenoz derrière Berthomieu, peu après Moby Dick de Melville (lui-même au-dessus d'Ada ou l'ardeur de Nabokov : on devine le classement alphabétique) : L'instinct de mort, de Jacques Mesrine, dans son édition originale chez Jean-Claude Lattès.
Et c'est là qu'une coïncidence s'établit comme pure évidence pour moi, qui — après avoir tout avalé d'Echenoz mais pas repu pour autant, babines toujours aussi ruisselantes — me suis mis à me délecter de l'un de ses proches (et pas qu'en littérature) : Jean Rolin.
Jean Rolin (dont la lecture semblerait peut-être certes plus laborieuse au premier abord, tellement impérieusement descriptive, mais sur laquelle on s'arqueboute tant elle est en sus jouissive d'autant), Jean Rolin qu'on entend d'ailleurs dans l'émission de Marie Richeux susmentionnée, virtuellement aux côtés de Manchette ; Jean Rolin qui écrit dans La Clôture, roman publié en 2002 chez P.O.L., pp. 25-26 :
La porte de Clignancourt marque une première rupture dans le paysage du boulevard Ney, caractérisé jusque-là par un habitat très dense, tandis que désormais les trous dans le tissu urbain vont s'élargir et se multiplier. Au-delà de Clignancourt, le boulevard est bordé côté sud, en contrebas de la chaussée, par la tranchée du chemin de fer de ceinture. Parallèle à cette tranchée et la surplombant de plusieurs mètres, la rue Belliard présente dans sa première partie un alignement d'immeubles disparates, dont le plus luxueux, ou du moins le plus bourgeois, accueillit Jacques Mesrine et sa compagne Sylvie Jeanjaquot dans les derniers temps de leur cavale : c'est quelques minutes après avoir quitté cet immeuble, le 2 novembre 1979, au volant d'une BMW 528 de couleur gris-brun métallisé, que Mesrine devait trouver la mort porte de Clignancourt, à l'angle du boulevard Ney, criblé d'une vingtaine de projectiles par les hommes du commissaire Broussard.
Extrait d'un JT du 2 novembre 1979
(désolé pour le démarrage intempestif, que je ne parviens pas à sucrer)
N'est-elle pas touchante, la façon dont ces misérables témoins exultent de participer médiatiquement à cet assassinat ?
Tous chantent, oui.
(désolé pour le démarrage intempestif, que je ne parviens pas à sucrer)
N'est-elle pas touchante, la façon dont ces misérables témoins exultent de participer médiatiquement à cet assassinat ?
Tous chantent, oui.
Puisque le nom « Belliard » évoque donc depuis ce jour de lynchage sans sommation celui de Mesrine, et puisque Echenoz a choisi de nommer « Béliard » le douteux diablotin qui innerve deux de ses romans (Les grandes blondes et Au piano — mais j'espère bien y revenir un jour), quoi de plus normal, après tout, qu'on aperçoive un souvenir de Jacques Mesrine dans la bibliothèque de Jean Echenoz ?