Pendant neuf ans, j'ai rédigé la quasi-totalité des prières d'insérer des éditions Plon. Exercice difficile, que j'ai toujours trouvé amusant et qui m'a beaucoup appris.
Lorsqu'il s'est agi de faire celui — ou celle — de mon roman Le Roi des aulnes, j'ai fait appel — comme vous pensez bien — à toute mon expérience, et j'ai travaillé trois semaines avec acharnement à ce qui devait couronner ma carrière de « prière d'insériste ». Il en est résulté un texte de trois feuillets dactylographiés, longueur pour le moins inhabituelle en ce genre de choses. Un peu inquiet, je l'ai adressé à Claude Gallimard avec une lettre où je lui disais à peu près ceci :
« Cher ami. Ci-joint le prière d'insérer du Roi des aulnes. Évidemment, il est un peu long. En revanche, il est si précis, complet, dense et suggestif que je vous propose de mettre au panier l'énorme manuscrit que je vous ai donné et d'imprimer ce petit texte en lieu et place — évidemment sur papier couché avec des caractères de luxe. Les lecteurs n'y perdront rien, au contraire ils y gagneront beaucoup de temps. »
On peut dire ce que l'on veut de Claude Gallimard. C'est en tout cas le seul éditeur que je connaisse qui réponde toujours vite et très précisément aux lettres. Par retour du courrier il m'a avisé qu'il était désolé, qu'il aurait bien volontiers accepté ma proposition, mais qu'il venait de supprimer les prières d'insérer et que Le Roi des aulnes serait précisément le premier roman de sa maison à bénéficier — si l'on peut dire — de cette mesure. En revanche, il me demandait de réduire mon texte à un quart de sa longueur pour garnir les rabats de jaquette du livre. Petit travail qui m'a pris trois nuits blanches.
Alors, me direz-vous, ce fameux prière d'insérer ? Eh bien, il n'a pas été perdu pour tout le monde. Je l'ai publié moi-même sous un nom de fantaisie comme critique du Roi des aulnes dans un journal où j'ai des accointances. Je ne vous dirai pas lequel. C'est le plus beau fleuron de mon Pressbook.
Lorsqu'il s'est agi de faire celui — ou celle — de mon roman Le Roi des aulnes, j'ai fait appel — comme vous pensez bien — à toute mon expérience, et j'ai travaillé trois semaines avec acharnement à ce qui devait couronner ma carrière de « prière d'insériste ». Il en est résulté un texte de trois feuillets dactylographiés, longueur pour le moins inhabituelle en ce genre de choses. Un peu inquiet, je l'ai adressé à Claude Gallimard avec une lettre où je lui disais à peu près ceci :
« Cher ami. Ci-joint le prière d'insérer du Roi des aulnes. Évidemment, il est un peu long. En revanche, il est si précis, complet, dense et suggestif que je vous propose de mettre au panier l'énorme manuscrit que je vous ai donné et d'imprimer ce petit texte en lieu et place — évidemment sur papier couché avec des caractères de luxe. Les lecteurs n'y perdront rien, au contraire ils y gagneront beaucoup de temps. »
On peut dire ce que l'on veut de Claude Gallimard. C'est en tout cas le seul éditeur que je connaisse qui réponde toujours vite et très précisément aux lettres. Par retour du courrier il m'a avisé qu'il était désolé, qu'il aurait bien volontiers accepté ma proposition, mais qu'il venait de supprimer les prières d'insérer et que Le Roi des aulnes serait précisément le premier roman de sa maison à bénéficier — si l'on peut dire — de cette mesure. En revanche, il me demandait de réduire mon texte à un quart de sa longueur pour garnir les rabats de jaquette du livre. Petit travail qui m'a pris trois nuits blanches.
Alors, me direz-vous, ce fameux prière d'insérer ? Eh bien, il n'a pas été perdu pour tout le monde. Je l'ai publié moi-même sous un nom de fantaisie comme critique du Roi des aulnes dans un journal où j'ai des accointances. Je ne vous dirai pas lequel. C'est le plus beau fleuron de mon Pressbook.
Lettre de Michel Tournier à Jacques Brenner du 8 décembre 1973, citée par ce dernier dans Tableau de la vie littéraire en France d'avant-guerre à nos jours, Luneau Ascot, 1982, p. 107