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vendredi 17 juillet 2015

Brouille interne à J.-P. Bastid-Manchette :
la version de Bastid




Un mois après la mort de Jean-Patrick Manchette, en 1995, son complice d'antan Jean-Pierre Bastid a écrit et fait circuler, en milieu restreint, ce texte où il donne sa version personnelle de ses rapports avec cet écrivain que nous apprécions fortement ici.

La chose ne manque pas d'intérêt, d'autant que le fils adoptif de Manchette, Tristan (alias Doug Headline) raconte très différemment cet épisode dans son avant-propos au Journal de Manchette publié en 2008 chez Gallimard (projet initial d'Hervé Delouche depuis 1999, soit dit en passant…)

Doug va jusqu'à affirmer dans ce texte que le film Mésaventures et Décomposition de la Compagnie de la Danse de Mort (dont Manchette retravaillera ensuite le scénario pour l'adapter en opéra-rock, ce qui donnera à la fin des années 70 Cache ta joie ! à Saint-Étienne — on peut lire cela dans l'excellent recueil éponyme paru chez Rivages, et peut-être est-ce d'ailleurs dans icelui que Doug prétend cela, désolé, je n'ai ni l'un ni l'autre sous la main) n'a jamais vu le jour.
C'est notoirement faux, puisque j'ai eu le déplaisir d'assister de mes yeux à une projection de ce… machin dont Bastid lui-même n'est évidemment guère fier aujourd'hui…


Non Réconciliés


LA GUERRE D'ALGÉRIE N'ETAIT PAS LOIN DERRIÈRE NOUS et les affrontements avec la police recommençaient quand j'ai fait la connaissance de ce tout jeune homme chez mon amie Mélissa. L'ORTF nous nourrissait alors, mais nous ne craignions pas de cracher dans la soupe. Ayant commis quelques courts-métrages institutionnels, je digérais aussi mal mon poste d'assistant que Mélissa sa fonction de scripte. Il nous était de plus pénible d'épouser l'anxiété de nos chers réalisateurs, de souffrir leurs remords, de n'exister que par leurs affres. Et surtout pour les voir accoucher de quoi !... Bref, l'enthousiasme nous faisait cruellement défaut pour materner des crétins et des crevards. Nous vivions colère et mépris dans une insolence mortifère. Melissa en était tombée malade tandis que, me leurrant moi-même, avec pour seul but de réaliser mon premier long-métrage, je m'étais mis à tartiner du scénario pour le premier gugusse venu.
     Étranger au monde de la télévision, le nouvel arrivant ne manquait pas d'arrogance. Ce jeunot vivace, un boisseau de puces, plus fou peut-être, du moins nous l’imaginâmes, nous émoustilla et nous redonna courage. Une dilection commune pour des joyeusetés triviales et l'attrait qu'exerçaient sur nous la littérature et les films noirs nous rapprochèrent. Le bougre, qui apportait ses propres songes au son de son saxo, mêla ses errances aux nôtres. Adeptes de l’inouï, nous étions superbement convaincus d'être nés pour transformer le monde. Nous parlions beaucoup, écrivions assez peu. Par précaution ou orgueil, nous ne nous estimions pas mûrs pour le faire ; nous agissions encore moins, mais nous débordions de projets.
     Pour ma part, je travaillais sur l’autopsie de l'affaire Ben Barka, une façon de traiter la guerre d’Algérie. Je marchais sur les traces de Franju qui avait dû renoncer à tourner Basta !, projet analogue, et je m’attelai à l’Attentat. Je fis lire à Joris Ivens et à Henry Lange mon premier scénario, qui s’emballèrent pour le projet. Ils me firent rencontrer Ben Barzman, scénariste de Losey, rescapé de la chasse aux sorcières. C’est sous leurs auspices que je trouvai un début de financement chez des progressistes américains. Je décidai alors de partir retrouver de vieux camarades de combat en Algérie. Il me semblait que tout devait commencer de l’autre côté de la Méditerranée. The Attempt serait un thriller écrit en anglais par Barzman.
     Pendant ce temps-là quid du nouveau venu ?
   Poussé par Mélissa qui aurait voulu être une star et qui était dingue de Fitzgerald, il abhorrait par dessus tout l'idée de finir dans la peau d'un prof, fût-il que d'anglais. Je ne découvris pas assez, vite qu’il me jalousait à sa façon, encore timidement, mais je n’en fis pas cas. Il profita de ma lâcheté, je le vis faire le vide autour de sa compagne dont les anciens amis ne trouvaient pas grâce à ses yeux, je le vis enlever Tristan à Jean-Philippe, le fils que Mélissa avait eu avec son mari, déchoir celui-ci de sa paternité et le pousser à la folie. Bientôt je fus le dernier du cercle, mais je n’y pris pas garde, et Mélissa s’attachait à favoriser mon aveuglement. Parallèlement, elle me demanda de chaperonner son jeune amant. Comme on me proposait alors du travail à n'y pouvoir suffire, je lui proposai de faire équipe avec moi, il s’empressa d’accepter et je l'entraînai dans les écrits mercenaires nécessaires à notre trésorerie.


POUR EXPÉDIER UN FEUILLETON, nous nous enfermions à Clamart où le jeune homme habitait à présent avec Mélissa, avec des boissons pour soutenir un siège. Nous jouions à construire les canevas, histoires ou épisodes ; puis, après avoir mis nos machines à écrire en batterie, nous nous jetions chacun de nous sur la sienne. De temps en temps, nous échangions nos places et nos rôles. Dès que l'un s'essoufflait, il se levait et l'autre le remplaçait devant sa bécane. Le dyspnéique éphémère attrapait une bière, la descendait et se rasseyait à la place encore chaude de son complice pour reprendre la scène inachevée où celui-ci l’avait laissée. En moyenne, un épisode d'une demi-heure était traité ainsi chaque jour. Le soir, relecture au galop pour tenter de rester fidèle au ton et ajuster les rebondissements. Ensuite, sous la présidence de Mélissa, musique, gaillarde beuverie, souper, dodo & plus si affinités.
     Douze épisodes, douze jours. Et le produit, comme on dit maintenant, était livré. Il est vrai que nous étions exemptés des tendresses flicardes et naufrageuses des script-doctors, chiens de garde que l’appareil à décérébrer ne cesse de perfectionner dans notre bel aujourd'hui.
     À notre tableau de chasse, Les Globe-trotters dont, profitant que j’était parti à Alger, je fus exclu. Mais nous continuions d'échanger nos brouillons. Quand je me coltinais du Bénazéraf, l’Antonioni du pauvre, Manchette œuvrait avec Michel Lévine, un vieux copain de régiment avec qui je l’avais mis en relation. Lorsque je travaillais pour Max Pécas, il bricolait pour tel autre que je lui avais également fait connaître. Quand je besognais de nouveau pour Pécas, il trimait déjà sur un troisième film de ce même gustron par qui je l'avais fait agréer. Ça n'allait pas sans heurts de part et d'autre, mais ce n'était après tout que du cacapipi et nous nous amusions bien dans ce petit enfer-là. Nous empruntions nos titres à d'excellents westerns en nous contentant de remplacer le mot désert par désir et nous signions gaiement Jean-Loup Grodard, Michelangelo Bananiani ou autres Very Very Deep throat.
     C'était en attendant. Nous faisions nos gammes…


LE SUJET DE THE ATTEMPT ÉTAIT TROP BRÛLANT pour être tourné en France, où le film serait interdit. Il se préparait donc en secret dans les coulisses du gouvernement algérien, mais Mohamed Lakhdar Amina, qui avait l’oreille du ministre de l’Intérieur, en eut vent. Cinéaste adroit et gâté par le pouvoir, cet insigne corrompu de la nomenclature locale rêvait de hisser sa carrière au plan international. Nicholas Ray, à qui la Cinémathèque algérienne rendait hommage, prit soin de me mettre en garde contre lui.
     Lakhdar enviait les studios qu’avait créés en Espagne Samuel Bonson, pour lequel Barzman avait travaillé. Visant de réaliser à son tour une nouvelle Cinecitta aux portes d’Alger, il tenta d’abord de séduire mon ami américain. Il crut l’acheter, très momentanément, mais ses manœuvres ne réussirent qu’à saccager le projet qu'il voulait s'approprier. (Ce n’est que bien plus tard qu’Yves Boisset réussira à finaliser L’Attentat en œuvrant avec Jorge Semprun sur le dernier scénario — dont je serai exclu).
     Je revins d'Alger la mort dans l'âme en rêvant de tourner très vite en 16 mm, avec les moyens du bord, un film à mon idée. « Pourquoi ne pas faire de ton histoire un bouquin ?, suggéra mon jeune ami parisien avec une perversité très grande.
     — Oui. Peut-être. On pourrait faire ça, en attendant ».

    Nous avons travaillé le canevas du Négue pendant que je cherchais un autre producteur. Pour donner des gages à un type qui s’intéressait à ma façon de tourner, j’ai réalisé un film en trois jours avec deux fois la pellicule. Le format et les moyens ont donc été choisis dans des circonstances très particulières. Le tournage s’est effectué dans le magasin de chiffons désaffecté où avait travaillé mon père. Bartleby était une libre adaptation de la nouvelle d’Herman Melville.
    La composition de L’Affaire N'Gustro, roman tiré du Nègue, était en cours. Comme je souhaitais faire une sorte de série B à l’américaine, la Série Noire fut approchée par Dominique Aury. Mais Robert Soulat, révulsé par les inconvenances du traitement, se montra très frileux. Pour gagner la confiance de l’éditeur, nous estimâmes qu’il s’agissait de proposer à un autre objet. Alors un soir chez moi à Férolles, devant un feu de bois, nous nous amusâmes à construire une histoire dont nous fîmes un exercice de style. Gallimard l’édita aussitôt.
     Avec Laissez bronzer les cadavres, nous avions réussi notre examen de passage. Le temps de la publication de L’Affaire N'Gustro était venu.


MON JEUNE CAMARADE AVAIT UNE APPROCHE HOLLYWOODIENNE du cinéma, mais mon film Bartleby où je l’avais invité à figurer un clerc servile l’a bluffé. De même que mon violent rejet du naturalisme. Nous ne cessions de parler des Straub et de leur film Non Réconciliés, en nous interrogeant sur la possibilité de refaire de l’art, notamment du cinéma critique.
      Mon partenaire s’en était approché quand il donné un coup de main à un ami, Robert Lapoujade, qui tournait au jour le jour son Socrate, mais il en est revenu en crachant sur ce film, dont le sujet était la crise du maître à penser, et sur son auteur au motif suffisant que Lapoujade était ami de Jean-Paul Sartre — on sait que le bougre n’a jamais été avare de mépris —, mais Robert avait été assez vigilant pour contrer les tentatives de putsch de son aide qui ne lui pardonnait pas.
      Mon ardent collègue revint de guerre avec Mésaventures et décomposition de la Compagnie de la Danse de Mort, dont nous projetions de faire un film. J’ai fait en vain le tour des producteurs qui pouvaient s’intéresser à cette entreprise, jusqu’à ce que, le scénario ayant obtenu l’avance sur recettes, Véra Belmont offrît « charitablement » sa maison de production pour nous héberger.
      Contrairement à ses dires, Manchette aurait été évincé du projet et le jeune-turc, qui prenait déjà son élan pour engrener sa carrière, se désintéressa du projet. Après lui avoir procuré un appart’ dans son immeuble, Belmont, ex-madame Labeuve, cette conne pleine de fric, était devenue pour lui « mon amie Véra ». Elle devait lui mettre le pied à l’étrier.


OCCUPÉ PAR LES RECHERCHES DE FINANCEMENT, à la préparation et au tournage du film, je ne me suis pas rendu compte tout de suite des manœuvres en cours. Comme à mon habitude, j’étais trop confiant, mais comment pourrait-il en être autrement entre deux personnes qui, en principe, partageaient les mêmes buts de vie ?
    Je n’avais pas perçu ou n’avais pas voulu voir que l’attitude de mon « ami » avait changé. Se produisant sans compter pour s’imposer dans le monde du spectacle, il eut tout loisir de profiter de la conjoncture.
    La cause de sa colère était la dictature de la marchandise sur l’homme, la principale denrée de l’époque étant précisément la culture, marchandise qui fait vendre toutes les autres. Mais mon ancien camarade choisit d’être appointé par elle.
POUR EN REVENIR A L’AFFAIRE N'GUSTRO, ce gredin décida que mon film mort-né était sa chose. Sa morgue l’autorisait à la plus mauvaise foi du monde. Me jugeant sans doute trop stupide, il se devait de me châtier. Une brouille radicale fit son lit sur d'autres plus anciennes.
      Ah ! Mésaventures et décomposition !
      Nous avions entre nous tant d'aventures inachevées, de projets avortés !
    Rappelez-vous… Nous avions cru naître pour transformer éternellement le monde, mais la vie se chargeait de montrer à quel point c'était nous qui étions transformés et détruits.
    Depuis quelque temps, notre existence était devenue effroyablement morose. Que vaut un corps s'il n'est que le réceptacle, la coque vide de nos rêves? Je ne peux que répéter ce que j'éprouvais alors : mourir ou me faire tuer était mon désir secret. Je le souhaitais avec violence, car c'était ainsi probablement que parlait notre soif de vivre. Nous errions dans la nuit, nos têtes dans le désordre le plus grand ; le mal qui nous bouffait mit de l'ordre.


QUELQUE TEMPS AVANT SA MORT, nous nous sommes revus près des éditions Gallimard, dans un bar de la rue de l'Université, et nous sommes tombés honteusement dans les bras l'un de l'autre. En pleurant, nous nous sommes montré nos blessures. Manchette bourré n’était pas avare de larmes de crocodile. À l’entrendre, succès ou échec, l'industrie du spectacle nous avait rongé la tête, le cancer pour lui et l’hémiplégie pour moi. Brisé par la pratique d’écrits stipendiés, j’avais disjoncté en perdant l'usage de l'écriture et de la parole et il ne s’en sortait pas mieux.
     Sachant à qui le crime profite, je me suis dispensé de m’opposer à son analyse.
   — Nous revenons de guerre, a-t-il conclu en soulevant sa chemise pour montrer son ventre et son torse recousus. Nous sommes des rescapés.
     Lâchement, j'ai répondu oui, nous étions des survivants du même combat.
    Nous avons échangé ensuite quelques réflexions sur la violence et nous avons goûté crapuleusement ce moment-là. Bizarrement, notre situation désespérée nous remplissait d'espoir. Nous avons repensé aux Straub : jamais nous ne pourrions accepter l'ordre du monde. Nous étions sereins, certes, mais pour nous il n'y aurait ni retour ni réconciliation. À l’instar de Debord qui s’était fait le chantre de cette situation, pour nous, la sagesse ne viendrait jamais.
   Ensuite nous nous sommes encore embrassés loyalement, en refusant de nous dire adieu et nous promettant de nous nous revoir bientôt. Une suprême malhonnêté car nous n’en croyions rien.


Jean-Pierre Bastid,
le 3 juillet 1995

Aymeric Bafouille, Pattemouille, Tattefouille, Mangecouille, Pâtemolle, Pattemolle, Cédric Mâchecoul, Eric Tourniquet. Aymeric Mangecouille, dit Freddy.

8 commentaires:

  1. Mon cher George, peut-être serait-il mieux que vous diminuiez le corps du texte de Jean-Pierre Bastid et que vous laissiez en drapeau au lieu de justifier. Ces grands trous dans le textes, à cause du surface de texte riquiqui et de l'impossibilité de faire des césures, rendent la lecture malaisée...

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  2. C'est très lisible chez moi, cher Tenancier, mais je sais que la présentation varie grandement d'un ordi à l'autre.

    Rien ne vous empêche de copier le texte pour le coller dans un logiciel de traitement de texte…

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  3. La légende de la photo "Manchette à sa machine à écrire" est fausse car c'est jean-Pierre Bastid qui est présenté.

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  4. Le seum : définition.

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  5. Vous devriez argumenter, Anonyme, car il me semble que vous confondez mise au point éclairante (certes non dénuée d'affect, Bastid n'est pas moins humain qu'un autre) et brute expression de ressentiments.

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  6. Éclairante, peut-être, sur l'abjection du personnage...
    (L'ignominie de cette phrase, tout de même :
    "Il profita de ma lâcheté, je le vis faire le vide autour de sa compagne dont les anciens amis ne trouvaient pas grâce à ses yeux, je le vis enlever Tristan à Jean-Philippe, le fils que Mélissa avait eu avec son mari, déchoir celui-ci de sa paternité et le pousser à la folie. ")

    Mais dans l'ensemble, je dirais simplement "sournoise" expression de ressentiments. La belle ellipse, dès lors qu'il s'agirait de décrire précisément comment Manchette s'y est pris dans ses sombres "manoeuvres". (mais sans doute Bastid était-il trop pressé d'en arriver au récit fielleux du cocktail Gallimard, peu avant la mort de Manchette).

    Peut-être Bastid aurait-il pu simplement mettre à disposition son merveilleux scénario (avant réécriture de Boisset), que nous puissions juger des similitudes dans les deux variations autour de l'Affaire BB.

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  7. Anonyme, ce qui suit sera ma dernière réponse si vous ne daignez pas signer vos commentaires autrement qu'en "Anonyme" (c'est pas compliqué : suffit de cliquer sur "Nom/URL" et de choisir un pseudo quelconque !)

    Je suis un tantinet effrayé que vous vous autorisiez à juger ainsi ("abjection", "ignominie", "sournois") : y étiez-vous, à la fin des années 60 ?
    Connaissiez-vous les deux J.P., même de loin ?
    Pouvez-vous seulement vous imaginer la souffrance qu'ils ont chacun endurée du déchirement de leur amitié naguère joyeusement roborative, chacun dans leur coin ?
    Connaissez-vous Georgette Petcanas ?
    Ou Jean-Philippe, père biologique de notre Doug Headline qui consacre cependant depuis presque trois décennies la plupart de ses efforts à la diffusion de l'œuvre de son père adoptif, JPM ?

    Je vais jouer franc-jeu, "Anonyme", et cartes sur tables autant que faire se peut (désolé, n'ayant jamais progressé dans le domaine musical ce ne sera pas un petit blues de la West Coast).

    C'est toujours l'histoire de "l'homme et l'œuvre" : on nous la serine depuis au moins Céline, ça va — et merci à Yves Pagès ! (mais sait-on si Platon aimait pas enculer les petits garçons ? Non, point-barre, alors on continue de le célébrer à tours de bras de rééditions, puisqu'on en saura jamais foutre rien : ♯Metoo n'en à rien à carrer).

    L'histoire est compliquée, mais ni moi ni vous (?) n'y étions présents, ce fameux été 1968.

    1°) Assoiffés l'un et l'autre de tenter de parvenir à survivre — quelques fussent leurs prétentions révolutionnaires (tout à fait sincères, ce me semble) — Manchette et Bastid se sont mutuellement trahis.

    JPM, en allant porter à Robert Soulat le manuscrit de L'affaire N'Gustro dont il avait complètement pompé l'idée à son pote JPB, parti tourner son film mais surtout fumer des joints et prendre du bon temps avec sa troupe de copines.

    JPB, en dévoyant portnawaquement — à force de pétards ou de LSD, que sais-je ? — le scénario de son ami de naguère.

    Et vas-y la double enculerie !

    2°) À en juger par les rares interviouves qu'on peut apercevoir de lui, Manchette n'était apparemment un pas le mec hyper-cool avec qui t'as envi de finir la soirée avec lui.

    Ben non : plutôt serré du troufignon, le camarade, et même que ça fait mal de voir son regard toujours fuyant et qu'il transpire dès qu'on lui cause.
    Agoraphobe, tutti quanti, ça sort pas de n'importe où.
    J'aurais pas bivouaqué avec lui, je crois.

    Alors que Bastid, c'est vraiment le gars hyper-cool, même depuis son AVC.
    Un mec franc du collier, qui cause recta droit dans les yeux.
    Mais le problème (et franchement on ne peut lui en tenir rigueur !), c'est qu'il survit encore aujourd'hui, tandis que JPM a cané voici bientôt trente ans, le 3 juin 1995.

    3°) Si d'aucuns, cependant, continuent aujourd'hui encore d'accabler Bastid (jusqu'à presque lui reprocher, sous-jacent, d'avoir survécu à Manchette, genre ouin, ouin, c'est pas juste !</i) pour cette anecdote malheureuse post-68, comment pouvait-il s'en défendre autrement que par les termes mêmes qu'il a soigneusement pesés dans le texte ci-dessus ?

    4°) Je pense avoir surabondamment montré dans ce blogue que je tiens Manchette pour l'un des plus magistraux écrivains français, mais hélas il est mort, et Bastid, qui vit encore, est un cher camarade.

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  8. Cher George, qui avez certes un prénom mais n'en paraissez pas moins anonyme que moi,

    Vous me demandiez d'argumenter, je l'ai fait. Je maintiens : le texte de Bastid est dégueulasse, et la phrase que j'en ai extraite définitivement immonde.

    Pour le reste, je ne suis pas sûr que vous rendiez un grand service à Bastid en reproduisant ici ce texte. Internet a de la mémoire. Or Bastid, l'homme comme l'oeuvre, puisque vous évoquez ce sujet, a définitivement droit à l'oubli.

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