Tout est dans le regard… Les gares heureuses soupirent sur leurs quais émoussés d'amants embrassés quelle que soit l'heure : leur charmante chaleur se masse malgré le fer des caténaires qui périodiquement se rappelle à leur dernière affaire, à la chapelle de leurs bras amoureux qui pour eux sont le dernier espoir en croix de leur croyance à tout prendre. Alors le train s'ébranle, et les gestes se brusquent et les caresses (perdantes) cessent et c'est le grand départ — et demain, là-bas, il en embrassera une autre qui aura un goût différent, plus amer peut-être, tandis qu'elle, affolée de son silence meurtrier, elle lui adressera ses lettres de détresse, sans penser encore que pour elle aussi la nuit s'épaissit, tandis donc qu'elle tressera, la gorge râclée de désir, la proie de l'espoir en proue, ce qu'elle pense encore comme des amarres, faibles feux d'artifice oubliés sitôt que fissa : des parts de futur désespoir. Et plus tard, ailleurs, elle verra ses mains se multiplier inexpliquablement — mais impossible aujourd'hui de se sabler ainsi l'esprit, de penser ça : l'ablation oublieuse des temps moindres, des bourgeons qui mincissent en moignons, qui s'étrécissent au fond de la pupille qu'on croyait usée, qui s'avère rusée, resplendissante de rubis cachés. Et de nouveau, rien comprendre que se laisser avaler par la marée d'une glu inconnue et charnue. Et lui, là-bas, trop tard, fini, regrettera ces bras débarrasseurs d'angoisse, ces brassées de savoir qui valsaient encore et encore tout autour de l'église de son corps écorché, de l'écorce encrassée et cassée mais sacrée de ça, de ces caresses-là, à elle, les siennes.
GWFW, mai 1993
0 urbanité(s) attique(s):
Enregistrer un commentaire