En ce ouiquènde d’alliance de l’État ladre et du goupillon, où l’on célèbre de nouveau une messe à la cathédrale Notre-Dame de Paris après que Napoléon le micron a tenté hier de s’y refaire une petite vertu, il n’est pas inepte de rappeler que le seul événement mémorable dont on puisse honorer cet édifice advint le 9 avril 1950, lorsqu’un jeune homme déguisé en dominicain monta en chaire pour haranguer ainsi les mille fidèles qui assistaient à l'office :
« Aujourd’hui, jour de Pâques en l’Année sainte,Ici, dans l’insigne Basilique de Notre-Dame de Paris,
J’accuse l’Église Catholique Universelle du détournement mortel de nos forces vives en faveur d’un ciel vide ;
J’accuse l’Église Catholique d’escroquerie ;
J’accuse l’Église Catholique d’infecter le monde de sa morale mortuaire,
d’être le chancre de l’Occident décomposé.
En vérité je vous le dis : Dieu est mort.
[Nous vomissons la fadeur agonisante de vos prières,
car vos prières ont grassement fumé les champs de bataille de notre Europe.
Allez dans le désert tragique et exaltant d’une terre où Dieu est mort
et brassez à nouveau cette terre de vos mains nues,
de vos mains d’orgueil,
de vos mains sans prière.
Aujourd’hui, jour de Pâques en l’Année sainte,
Ici, dans l’insigne Basilique de Notre-Dame de France,
nous clamons la mort du Christ-Dieu pour qu’enfin vive l’Homme]. »
Couverte par d’assourdissants accords d’orgue, la partie entre crochets n’a hélas pas pu être délivrée aux ouailles, celles-ci ayant d’ailleurs entrepris, passé un moment de stupeur, de tenter de lyncher celui qui s’ingéniait à les dessiller, qui ne dut paradoxalement son salut — comme ses complices qui balançaient des pétards à tire-larigot — qu’à l’intervention de la flicaille.
Ce scandale, qui fit les choux gras des journaux du monde entier les jours suivants, avait été orchestré par Michel Mourre (le faux dominicain), Serge Berna (l’auteur du texte) et d’autres jeunes gens du « Club des Ratés », dont Jean-Louis Brau, Ghislain de Marbaix et Jean Rullier (que balafra au visage un coup de hallebarde d’un Garde Suisse).
Berna et Brau compteront deux ans plus tard parmi les fondateurs de l’Internationale Lettriste.
On trouvera une documentation complète sur cet événement dans le très bel ouvrage publié ce printemps par Jean-Louis Rançon aux éditions du Sandre, Serge Berna - Écrits et documents, qui rassemble la totalité des écrits connus de ce poète sauvage aussi rétif à la soumission qu’Arthur Cravan.
Extrait du PROJET D’EMBELLISSEMENTS RATIONNELS DE LA VILLE DE PARIS paru dans POTLATCH, bulletin d’information de l’Internationale lettriste, n° 23 – 13 octobre 1955 :
RépondreSupprimer« Pour les églises, quatre solutions différentes ont été avancées, et reconnues défendables jusqu’au jugement par l’expérimentation, qui fera triompher promptement la meilleure :
G.-E. Debord se déclare partisan de la destruction totale des édifices religieux de toutes confessions. (Qu’il n’en reste aucune trace, et qu’on utilise l’espace.)
Gil J Wolman propose de garder les églises, en les vidant de tout concept religieux. De les traiter comme des bâtiments ordinaires. D’y laisser jouer les enfants.
Michèle Bernstein demande que l’on détruise partiellement les églises, de façon que les ruines subsistantes ne décèlent plus leur destination première (la Tour Jacques, boulevard de Sébastopol, en serait un exemple accidentel). La solution parfaite serait de raser complètement l’église et de reconstruire des ruines à la place. La solution proposée en premier est uniquement choisie pour des raisons d’économie.
Jacques Fillon, enfin, veut transformer les églises en maisons à faire peur. (Utiliser leur ambiance actuelle, en accentuant ses effets paniques.)
Tous s’accordent à repousser l’objection esthétique, à faire taire les admirateurs du portail de Chartres. La beauté, quand elle n’est pas une promesse de bonheur, doit être détruite. Et qu’est-ce qui représente mieux le malheur que cette sorte de monument élevé à tout ce qui n’est pas encore dominé dans le monde, à la grande marge inhumaine de la vie ? »
La dernière phrase est singulièrement gênante.
SupprimerLa pénultième n'ayant, quant à elle, point de sens.
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