Cher gouvernement,
Vos insultes sous couvert de féliciter les vaccinés, ça commence à me fatiguer. Pas d’amalgame s’il vous plaît, j’ai pris le Pfizer, pas la carte d’En Marche, la France qui travaille pour vous, ce sera sans moi.
Je me suis pas vaccinée pour retourner bosser pour huit balles de l’heure et une amende à 135 balles si je rentre trop tard et que j’avais pas d’attestation pour l’apéro dînatoire d’En Marche.
Je suis vaccinée pour le Chaos vivant contre votre Ordre qui sent la Mort.
Je suis vaccinée pour ne contaminer personne dans les manifs.
Je suis vaccinée pour protéger les chômeurs quand on manifestera contre la réforme de l’assurance-chômage
Je suis vaccinée pour protéger les retraités quand on manifestera contre la réforme des retraites.
Je suis vaccinée pour protéger les amis en situation de handicap quand on manifestera pour l’individualisation de l’AAH, et puis des AESH pour les gosses.
Je suis vaccinée pour retourner occuper les théâtres et cette fois on sortira pas avant d’en avoir fini avec la société du Spectacle. J’aime pas spécialement Debord, mais encore moins Marlène Schiappa en train de réciter du Maurras chez Hanouna.
Je suis vaccinée pour pas tomber malade pile le jour où je fais grève et rater la manif.
Je suis vaccinée pour dire « Même pas mal » au flic qui m’arrachera mon masque dans une de vos nasses.
Je suis vaccinée pour manifester pour que les exilés puissent se faire vacciner. Et avoir des papiers et un hébergement au Ministère de la Défense, quand on aura viré tous les militaires d’extrême-droite, crois-moi y’aura de la place.
Je suis vaccinée pour pouvoir me confiner avec ma famille et qu’on me paye à rien foutre en bonne santé. Attends, c’était le seul bon côté du premier confinement, quand on y pense, rattraper un peu toutes les augmentations de salaire qu’on n’a jamais.
Je suis vaccinée pour empêcher les fascistes de pourrir nos manifs et ça vous arrange, dites pas le contraire, vous en riez avec vos potes de Valeurs Actuelles.
Je suis vaccinée pour cracher à la gueule des antisémites, qui vous comparent à des nazis, alors que vous êtes juste des capitalistes sécuritaires, autoritaires, injustes, inégalitaires, violents. Enfin, des capitalistes, quoi.
Je suis vaccinée parce que je crois à la science, certainement pas à Olivier Véran qui nous a dit de pas mettre de masques, ouais je me rappelle.
Je suis vaccinée pour faire vivre dans les luttes la mémoire des morts dans les EHPAD, qui seraient pas morts si les EHPAD avaient eu des masques, des moyens, de l’humain.
Je suis vaccinée pour rester vivante et raconter comment vous nous avez enfermés et punis toute l’année pour rien, quand il y avait des couvre-feux et qu’on pouvait plus aller acheter de pain après 18 heures, mais attraper le virus au taf et contaminer nos proches, on avait le droit.
Je suis vaccinée parce que je veux être solidaire des jeunes, le virus les touche peut-être moins, mais la précarité et l’enfermement comme seule alternative à contaminer leurs parents, c’est pas une vie et c’est celle que vous leur imposez.
Je suis vaccinée parce que j’ai eu la chance de le pouvoir, pas comme dans tous ces pays de la planète où les gens meurent parce que votre capitalisme ne leur donne pas accès au vaccin.
Je suis vaccinée parce que je suis pas laborieuse, justement. Je suis paresseuse, et joyeuse, et frondeuse, je veux tout gratuit, et un emploi fictif et un logement de fonction en urgence, comme tout un chacun et pourquoi pas moi et tous les gens au RSA .
Je suis vaccinée parce que je suis une assistée, je veux lutter pour des tests gratuits, le SMIC à deux mille euros et le RSA à mille deux à partir de treize ans. Ouais, ok, c’est utopique, en même temps à un moment j’avais voté pour vous pour faire barrage au fascisme, je vais pas être plus déçue qu’après ça.
Je suis vaccinée parce que je suis islamo-gauchiste et que je veux lire Le Capital dans les mosquées bondées.
Je suis vaccinée parce que je suis féminazie et que je veux imposer qu’on écrive « Macron Démission » en inclusive, ça doit bien être possible.
Je suis vaccinée parce que je suis woke, je racialise les mâles dominants, mais là je ferai tout pour que ce gouvernement arrête de prétendre qu’il est blanc comme neige.
Je suis vaccinée pour cancel culturer 24 heures sur 24, les ministres qui violent, heu tiens par exemple, pour commencer.
Je suis vaccinée parce que je veux tout le contraire du retour à la normale, t’as raison tiens, ta normale, c’est des lois Travail et des lacrymos dans la face.
Je veux le Chaos jusqu’à satisfaction de nos revendications, de toute façon nous voulons tout et nous prendrons le reste, et le vaccin avec, évidemment, hé tu nous as pris pour des fans de Dieudonné, on n’est pas cons quand même.
Je suis vaccinée pour la liberté, la vraie, celle d’être tous solidaires et en guerre contre ta société du marche ou crève.
Je suis vaccinée parce que je suis pas une perdrix anti-système de l’année, c’est pas demain que je vais vous arranger en allant défiler avec les trumpistes à la française.
Je suis vaccinée parce que je suis une rebelle, ouais, ouais, mais une vraie, et on est des millions à savoir qu’on vous fera encore plus chier avec la 5G, ça ira plus vite pour faire tourner les rendez-vous de grève et de manif.
Je suis vaccinée parce qu’on raconte que le vaccin fait pousser des dents en acier aux moutons, faites attention, les loups de la start-up nation…
Nadia Meziane, site Lignes de Crêtes, 18 juillet 2021
[Je me suis permis de rectifier quelques coquilles de typo]
"Si tu ne vas pas à la piquouse, tu n'iras pas au rade et tu ne prendras pas le train."
RépondreSupprimerInjonction paradoxale managériale : totalitarisme.
Les managers savent ce qu'ils font, et ils l'expliquent très clairement :
https://www.journaldunet.com/management/vie-personnelle/1143782-l-injonction-paradoxale-ou-le-changement-comme-manipulation/
Étonnant à quel point le chantage auquel nous sommes tous soumis porte avant tout sur la consommation.
RépondreSupprimerLe côté ironique étant qu'après avoir vu utiliser abusivement le concept de "société du spectacle" pendant des décennies, voilà qu'on a pas fini d(être encombrés de "biopolitique".
Tout ça fait très cauchemar des années 70, finalement
"Finalement", tel est bien le mot, Jules !
RépondreSupprimerMais ça m'étonne que ça t'étonne : cela fait bien longtemps que le chantage porte sur la consommation (cf. par ex. le lien auquel renvoie l'ami schisosophie).
Même si côté Foucault c'est évidemment plutôt Jean-Pierre que Michel (dont on causait d'un des bouquins ce matin sur FC, avec le grand-père qui s'excusait de n'avoir pourri que quatre ans en taule)…
On va entrer dans la phase IV mais Saül Bass n'en aura pas fourni le générique.
"chantage" et "cauchemar" effectivement, Jules, les voici si concrets :
RépondreSupprimerÀ quoi sert le QR code sanitaire ?
I. Usage moral.
Le QR code sanitaire incite tous les habitants à contribuer à diviser la société en deux. Les titulaires étant censés vertueusement se soucier d’autrui tandis que les récalcitrants sont marqués, par défaut, comme des mauvais citoyens irresponsables qui refusent volontairement de s’adapter à la marche de l’Histoire. Cette arriération imposée, ce débit social, est forgée par l’amalgame incontournable qu’implique le chantage entre liberté de circulation et vaccination. C’est ainsi que la majorité qualitative des adaptés est sommée de se dégager de la minorité qualitative des inadaptés. La majorité dont il est question ici n’est pas à estimer comme nombre, bien qu’elle soit mise en courbes par les gestionnaires pour qu’ils évaluent l’efficience de leurs ordres. Il s’agit d’une capture de la liberté, censée relever de choix subjectifs, de celle de l’individu majeur ayant dépassé son statut mineur antérieur d’enfant social, qui, lui, est renvoyé au tout-à-l’ego des « antivax » et autres « complotistes ».
Tous les refus de s’adapter, toutes les critiques de l’aliénation, toutes les contestations de la réduction des voies d’émancipation à des noeuds d’informations sont réputés relever de l’hystérie puérile qui crie « Non maman, j’veux pas aller à la piqûre ! » La presse, pixelisée et imprimée, a rarement aussi bien porté son nom qu’en diffusant sans critique le catastrophisme de cette panique organisée : en pressant chacun de se tamponner son crédit social.
II. Usage étatique.
Le QR code sanitaire abolit le secret médical et comme il est inséré non seulement dans les bases de données des services de santé mais au moins lié aux boîtes d’informations téléphonantes ou domiciliées par lesquelles tout le monde est obligé de gérer l’administration citoyenne de son existence sociale, c’est tous les fichiers personnels qui n’ont plus de secret pour l’État. Ses algorithmes lui tiendront lieu de délibération politique.
III. Usage capitalistique.
Le QR code sanitaire donne accès à l’historique sanitaire de chacun. Dès lors, c’est la privatisation des services sanitaires qui remplace les résidus d’entraides sociales mutualisées. Il achève ainsi les régimes de retraite, les modalités de cogestion des maladies et accidents professionnels, la gratuité des actes médicaux. Plus même besoin de loi pour gérer les corps humains malades, les arbitrages assurantiels donc bancaires sont prêts à s’y substituer. La santé QR codée est une mine de données « qualitatives » améliorant la prospection calculatoire des algorithmes. C’est désormais même sans travailler que le corps humain est une matière première livrée à l’extraction de plus-value. L’existence est valorisée.
C’est le spectaculaire intégré. « Car le sens final du spectaculaire intégré, c’est qu’il s’est intégré dans la réalité même à mesure qu’il en parlait ; et qu’il la reconstruit comme il en parlait. » (Commentaires sur la société du spectacle, IV)
Tout cela est à la fois vrai, réel, si vous préférez et étonnant persistais-je.
RépondreSupprimerMon étonnement provient surtout du cynisme avec lequel tout ceci est mis en place par des opportunistes (z'ont pas créé le virus mais qu'est ce qu'ils en font leurs choux gras) qui, en même temps, détournent le sujet, comme vous le soulignez dans le paragraphe I "Usage moral".
Une fois de plus, on ne sait qui de Orwell et sa novlangue ou Debord et son monde renversé ont le mieux entrevu notre avenir.
D'ailleurs, on s'en fout, les deux ont pour le coup, bien décrit notre bourbier.
Ce qui reste à en faire est beaucoup moins évident.
Pardonnez mon manque d'optimisme.
Vous êtes très aisément pardonné, tant de fois hélas !
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