Le rire, tout comme la plaisanterie, est Joie pure et simple ; et par suite, à condition d’être sans excès, il est bon par soi. Il n’y a certainement qu’une torve et triste superstition pour interdire qu’on prenne du plaisir. Car en quoi est-il plus convenable d’éteindre la faim et la soif que de chasser la mélancolie ? Voici ma règle, et à quoi je me suis résolu. Il n’y a ni dieu ni personne, à moins d’un envieux, pour prendre plaisir à mon impuissance et à ma peine, et pour nous tenir pour vertu les larmes, les sanglots, la crainte et les autres choses de ce genre, qui marquent une âme impuissante ; mais, au contraire, plus grande est la Joie qui nous affecte, plus grande la perfection à laquelle nous passons, c’est-à-dire, plus nous participons, nécessairement, de la nature divine. Et donc user des choses, et y prendre plaisir autant que faire se peut (non, bien sûr, jusqu’à la nausée, car ce n’est plus prendre plaisir), est d’un homme sage. Il est, dis-je, d’un homme sage de se refaire et recréer en mangeant et buvant de bonnes choses modérément, ainsi qu’en usant des odeurs, de l’agrément des plantes vertes, de la parure, de la musique, des jeux qui exercent le corps, des théâtres, et des autres choses de ce genre dont chacun peut user sans aucun dommage pour autrui. Car le Corps humain se compose d’un très grand nombre de parties de nature différente, qui ont continuellement besoin d’une alimentation nouvelle et variée pour que le Corps tout entier soit partout également apte à tout ce qui peut suivre de sa nature, et par conséquent pour que l’Esprit [Mens] soit lui aussi partout également apte à comprendre plusieurs choses à la fois. Et donc cette règle de vie convient excellemment et avec nos principes, et avec la pratique commune ; cette règle de vie, si elle n’est pas la seule, est donc la meilleure de toutes, et doit être recommandée de toutes les manières, et il n’est pas besoin d’en traiter plus clairement ni plus longuement.
Spinoza, Éthique, IV, proposition 45, corollaire 2, scolie (tr. B. Pautrat)
une honteuse autoréférence, si tu ne l'avais vue, à propos de rires et de chleuasmes (oui j'ai réussi et bien pensé à toi dans le RER du retour...)
RépondreSupprimerhttp://ubifaciunt.blogspot.com/2009/03/regles-et-chleuasme_19.html
hommage (et merci pour Pautrat, j'irai jeter un oeil sur sa trad du TTP dès que j'ai le temps -humpffff-)
cadeau
RépondreSupprimerGeorge,
RépondreSupprimervous êtes là ?
Je vais pas bergsonniser toute seule
A propos du rire ? « Du mécanique plaqué sur du vivant », ça fait penser à la ouaibomanie, non ?
RépondreSupprimerUbi, merci, je n'avais pas vu. Théorie du papillon : une information d'ordre linguistique glanée sur le net peut venir nourrir, quelques semaines après, la conversation de quelques jeunes en banlieue… Mais Pautrat, c'est le TIE, qu'il a traduit chez Allia, pas le TTP.
George
RépondreSupprimeroui, c'était à propos du rire, évidemment
Je sais pas trop si ça me fait penser au web
Moi, j'aime bien rire avec excès.
Avec excès aussi de tout, jusqu'à la nausée. Sans sagesse.
« L’amour blessait au cœur les fous comme les sages
RépondreSupprimerAs-tu connu Guy au galop » ?
« La sagesse ne viendra jamais. »