C’est désormais tout aussi bien un écrivain, qui a su ciseler soigneusement les phrases de ce Cure-dent paru à l’automne 2008 aux éditions Allia, phrases aussi nettes et parfaites que l’objet qui donne son titre à ce bref récit imbibé d’Omar Khayyam. En voici quelques unes, sur lesquelles on sent planer parfois les ombres furtives de Stendhal, Nietzsche ou Debord :
« A bien peser les choses, il paraît extrêmement judicieux d’habiter un palais. La sécurité du corps y est garantie, et, à défaut de la paix de l’âme, la possibilité du sommeil. Surtout, le voisinage de la beauté a quelque chose de pratique que la pudeur n’avoue jamais. Il agit sur les êtres doués de quelque sensibilité, comme un puissant régulateur de l’humeur, comme une promesse de douceur indéfiniment renouvelée. Tout ce qui chaque jour nous assujettit — cette raison quotidienne qui nous tient lieu de boulet — s’en trouve instantanément pondéré, comme un granit en une pierre poreuse.» (pp. 24-25).
« Orphelin de père, orphelin de Dieu, enfant du chaos, Omar Khayyam s’est comporté en homme sans exemple que celui qu’il forgeait. Sans autre devoir que d’inventer, jour après jour, une existence et les conditions de sa souveraineté. » (p. 31)
À la page 47, Lacroix s’amuse à attribuer à Khayyam une phrase de Debord (Panégyrique, p. 43) qu’il s’offre le luxe d’améliorer par le déplacement d’un adverbe : « J'ai d'abord aimé, comme tout le monde, l'effet de la légère ivresse, puis bientôt j'ai aimé ce qui est au-delà de la très violente ivresse, quand on a franchi ce stade : une paix magnifique et terrible, le vrai goût du passage du temps. »
Mais peu auparavant, il restituait à Khayyam le quatrain que Debord cite dans In girum imus nocte et consumimur igni, douze minutes avant la fin du film :
« Jeunes, nous avons quelque temps fréquenté un maître,
Quelque temps nous fûmes heureux de nos progrès,
Vois le fond de tout cela : que nous arriva-t-il ?
Nous étions venus comme de l’eau, nous sommes partis comme le vent. »
« Avicenne […] tenait le vin pour une activité de l’esprit à part entière. Il certifiait que le véritable intérêt de cette boisson ne se résumait pas à ses vertus stimulantes, euphorisantes, désinhibantes et anxiolytiques. Il disait goûter par dessus tout l’ivresse épaisse, large et distincte que seule procure la prise massive de boisson sur de longues périodes de plusieurs jours, de plusieurs semaines, de plusieurs mois. Il avouait aimer cet état sensationnel de calme triomphant, de terreur placide, d’engourdissement du présent dans l’évidence du temps irréversible, certaine touffeur du monde dans la faculté de l’oubli. […] Il martelait qu’il fallait boire dès le matin. Quiconque a un peu connu les hommes admettra aisément qu’il y a des siècles de discipline dans une telle injonction. » (pp. 50-51).
« Omar Khayyam évoque tant de raisons de s’arsouiller, pare le vin de tant de qualités, qu’il faut y voir la manière d’un zélateur et d’un athlète qui s’encourage ou se rappelle au devoir, et non celle d’un homme qui se justifie. » (p. 55). S’ensuit un nouvel emprunt à Debord : « Jamais plus nous ne boirons si jeunes. » (Panégyrique, p. 38).
« Orphelin de père, orphelin de Dieu, enfant du chaos, Omar Khayyam s’est comporté en homme sans exemple que celui qu’il forgeait. Sans autre devoir que d’inventer, jour après jour, une existence et les conditions de sa souveraineté. » (p. 31)
À la page 47, Lacroix s’amuse à attribuer à Khayyam une phrase de Debord (Panégyrique, p. 43) qu’il s’offre le luxe d’améliorer par le déplacement d’un adverbe : « J'ai d'abord aimé, comme tout le monde, l'effet de la légère ivresse, puis bientôt j'ai aimé ce qui est au-delà de la très violente ivresse, quand on a franchi ce stade : une paix magnifique et terrible, le vrai goût du passage du temps. »
Mais peu auparavant, il restituait à Khayyam le quatrain que Debord cite dans In girum imus nocte et consumimur igni, douze minutes avant la fin du film :
« Jeunes, nous avons quelque temps fréquenté un maître,
Quelque temps nous fûmes heureux de nos progrès,
Vois le fond de tout cela : que nous arriva-t-il ?
Nous étions venus comme de l’eau, nous sommes partis comme le vent. »
« Avicenne […] tenait le vin pour une activité de l’esprit à part entière. Il certifiait que le véritable intérêt de cette boisson ne se résumait pas à ses vertus stimulantes, euphorisantes, désinhibantes et anxiolytiques. Il disait goûter par dessus tout l’ivresse épaisse, large et distincte que seule procure la prise massive de boisson sur de longues périodes de plusieurs jours, de plusieurs semaines, de plusieurs mois. Il avouait aimer cet état sensationnel de calme triomphant, de terreur placide, d’engourdissement du présent dans l’évidence du temps irréversible, certaine touffeur du monde dans la faculté de l’oubli. […] Il martelait qu’il fallait boire dès le matin. Quiconque a un peu connu les hommes admettra aisément qu’il y a des siècles de discipline dans une telle injonction. » (pp. 50-51).
« Omar Khayyam évoque tant de raisons de s’arsouiller, pare le vin de tant de qualités, qu’il faut y voir la manière d’un zélateur et d’un athlète qui s’encourage ou se rappelle au devoir, et non celle d’un homme qui se justifie. » (p. 55). S’ensuit un nouvel emprunt à Debord : « Jamais plus nous ne boirons si jeunes. » (Panégyrique, p. 38).
Dommage que la couverture soit si moche, malgré les finesses habituelles des graphistes de la maison.
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