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mercredi 2 avril 2014

La page 106




Adoncques, du milieu de l'hiver à la fin du printemps de l'an 1998 s'est tenue à Jussieu, fac parisienne, une joyeuse et foutraque assemblée débordant d'imagination et d'inventivité pour, sinon mettre un peu à mal ce système, du moins tenter de s'y ébattre selon nos moyens réunis plus à l'aise.

On a longtemps été bien 400, chaque jour, de janvier à mars, pour finir à la mi-juin autour d'une petite cinquantaine (mais sur la pelouse, au soleil).

Un bonheur chasse l'autre ?

C'était parti de Marseille, cette histoire, fin décembre 1997, une étincelante connexion entre des cégétards pas trop crevards et le mouvement AC ! éclos depuis peu.

C'est vite devenu, dans les médias et dans les têtes, « Le mouvement des chômeurs ».
À Paris, le socle des revendications qui nous unissait était simple : zéro revendication.
Des slogans du genre : « Nous voulons un salaire de merde payé des miettes », « 35 h par jour, sinon rien ! », et surtout une certitude : « Vous, vous avez le fric ; nous, nous avons le temps ».
Le temps…
Le temps  de s'assembler, de réfléchir ensemble, d'agir là où ils ne s'y attendaient pas, et de bien rigoler.

Mais bon, au bout de deux-trois mois on ne rigolait plus tellement, à l'Assemblée de Jussieu.
L'amphi naguère plein à craquer ne regorgeait plus tant  que ça. Des volontaires pour des actions-castagne ? Plus personne, ou quasi.
Bref, des tensions se faisaient jour.
En même temps, on analysait au quotidien non seulement les possibilités d'action mais aussi l'état de l'Assemblée.
En avril, une scission s'est ouvertement déclarée.

Je résume très grossièrement (ça a duré pas mal de temps, toutes ces discussions assez déchirantes). Tout le monde (on devait être quand même être encore une bonne centaine, si mes souvenirs sont bons) s'accordait sur le fait que le mouvement était sur le déclin — pas besoin d'être Einstein pour le comprendre, ça…
Et du coup, si on divise grosso modo en trois tendances :


— Une partie voulait arrêter de papoter de façon désormais stérile et agir immédiatement, concrètement. La première idée fut d'investir un terrain vague à Montreuil pour en faire un potager (tout fut arraché quelques mois plus tard sur l'ordre du maire d'alors, Jean-Pierre Brard, juste avant la récolte). Il y eut aussi un élevage de cochons (qui se sont un jour enfuis sur le périphérique, foutant un sacré bordel, mais ça n'a guère à voir en fait — d'autant qu'après le boudin, le petit salé, les jambons, tout le bastringue qui avait été soigneusement remisé aux frigos, ceux-ci ont lâché dans la nuit et tout a pourri…)

— Une partie voulait arrêter de continuer à blablater en vain, et se mettre sérieusement à la réflexion théorique de ce qui venait de se jouer là depuis plusieurs mois (entre autres). Ça a donné Tiqqun.

— Une dernière partie proposait — et c'est ça qui a provoqué ces réactions, cette scission : des gens d'une petite structure éditoriale, L'insomniaque, qui en avaient marre de voir ainsi moribonder cette Assemblée naguère si pétillante — de se mettre à réunir tracts, témoignages et récits sur tout le mouvement en cours, pour en faire un bouquin qui donnerait peut-être des idées à d'autres, ailleurs, moins exténués que nous.
Aussitôt, holà et haro, même réaction que Breton face à Nadeau en 1945 : « Si on en fait un livre, ça fossilise, c'est mort ! »

Mais il n'empêche qu'une partie de l'Assemblée comprenait que c'était pas si bête, de tenter ainsi de rassembler ces traces et ces témoignages, et que ça signait pas pour autant la mort du mouvement — ou alors il l'était déjà, mort.
Ça a donc donné Le lundi au soleil, après trois mois de sillonnages pour recueillir les récits, rassembler les tracts, mettre en forme tout ça et l'imprimer avec nos petites mains (et un peu de matos, genre une imprimerie offset, entre autres).

Entretemps, l'Assemblée de Jussieu avait fini par se dissoudre de sa belle mort, comme prévisible, mais au même moment, en ce début d'été 1998, des copains avaient ouvert un beau squat rue des Maraîchers, un ancien couvent avec jardin arboré, vaste chapelle et tout et tout, et c'est là qu'on a fait une fête de présentation du bouquin tout nouveau tout chaud, grillades et cubis à l'appui.

Et là, catastrophe, nouvelle scission, au sein du dernier cercle des camarades, ceux qui avaient œuvré jour et nuit pour mettre au monde le bouquin.
Mais furieuse, cette fois, presque à en venir aux mains.

À cause de la page 106 de ce fichu recueil.

Une planche de BD plutôt fichtrement bien troussée — à un détail près, certes — que j'avais moi-même été récolter à Perpignan quelques mois plus tôt, et qui fut tout à fait innocemment insérée dans ledit recueil, mais que des camarades pro-féministes se sont acharnés ce soir-là, au vu de l'infamie, à arracher du bouquin en question juste avant de le distribuer.

Pourquoi donc ?

7 commentaires:

  1. Préconiser le "viol collectif de Dorothée (pour ceux qui en voudront) et autres réjouissances" n'est certainement pas à l'avantage – c'est le moins que l'on puisse dire – de ceux qui prétendent par ailleurs décréter la fin du salariat et la négation de la société spectaculaire-marchande – en plus, cet "humour" potache, puceau, boutonneux et malsain n'est pas amusant.
    Et à ce stade, mieux vaut jeter le bébé avec l'eau du bain.

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  2. Merci pour le joli résulmé George.
    Mais alors, une question me turlupine..
    Quelles furent les embrouilles sur la carte postale consacrée à la chasse aux huissiers auxquelles vous fites allusion plus bas ?
    Désolé, étant moi-même loin de ma patrie à cette époque, j'ai bien demandé à quelques ex assembléistes mais ça ne leur évoque rien .
    A bientôt
    Jules V

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  3. Oui, Bob, c'était une méga-boulette, hélas ! dont on aurait de surcroît facilement pu s'abstenir d'un coup de Tippex.
    Nul évidemment ne songeait à un appel au viol : "Dorothée" était considérée non comme un être réel mais comme une figure abstraite, une image froide et désincarnée de l'abrutissement télévisuel, un peu comme la présentatrice clonée et éternelle dans le roman de Philip Dick, Simulacres : une sorte de Big Brother féminin.
    Mais bon, nombre de camarades n'ont pas vu la chose de cet œil et je pense aujourd'hui qu'ils avaient raison : on ne joue pas avec ces choses-là, il y a suffisamment de confusion et d'ambiguïtés comme cela, même (surtout ?) dans ce "milieu".
    Bref, c'était une sacrée connerie, dont on n'avait vraiment pas besoin à ce moment-là.
    Et c'est dommage pour les copains de Bayonne dont la page 105 (le recto) reproduisait un tract du 20 janvier.

    Désolé, Jules, j'ai effectivement oublié de préciser.
    Rien de compliqué.
    Lorsque certains complices de l'Insomniaque qui participaient à l'assemblée de Jussieu se sont mis à proposer de mettre à la disposition d'icelle leur structure éditoriale pour rassembler les traces de ce mouvement profus dans un recueil, l'Insomniaque venait de sortir son "catalogue perpétuel" : un joli coffret contenant 36 cartes postales reproduisant des couvertures de livres publiés, à venir ou carrément imaginaires mais aussi quelques clins d'œil et blagues, dont cette fausse coupure de presse.
    Problème : certains participants de l'assemblée de Jussieu crurent se reconnaître dans l'action imaginaire relatée par cette coupure, et ça ne les a pas du tout amusés.
    Du coup, alors même que la proposition de s'atteler à la publication de ce recueil ne les enthousiasmait guère, le fait qu'elle vienne de membres de l'Insomniaque les a carrément outrés — et c'est à ce moment-là que de franches hostilités ont commencé à sourdre au sein de l'assemblée.

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  4. Ah merde ! Ce que c'est que de la susceptibilité en milieu communiste...
    Et d'accord avec Bob, c'était trop stupide.
    amitiés
    J

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  5. Ben quoi... Elle est bonne Dorothée, nan ?

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  6. Cher Tenancier, on n'est certes pas susceptible dans ces parages-ci, mais tout de même… watch your back !

    (en plus elle doit tout de même être un peu faisandée, asteure…)

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  7. Franchement, Dgeôrge, je ne suis pas si susceptible que cela.

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