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mercredi 3 juin 2009

Un écrivain conséquent (« paranoïaque », diraient d’autres) se soucie de la traduction de son œuvre

La plus grande difficulté consiste en ceci : ce livre contient, certes, bon nombre d’informations qu’il faut exactement traduire. Mais il n’est pas essentiellement affaire d’information. Pour l’essentiel, son information réside dans la manière même dont elle est dite.

Chaque fois, et c’est très fréquent, qu’un mot, ou qu’une phrase, a deux sens possibles, il faudra reconnaître et maintenir les deux ; car la phrase doit être comprise comme entièrement véridique aux deux sens. Cela signifie également, pour l’ensemble du discours : la totalité des sens possibles est sa seule vérité. […]

Il n’est en tout cas pas possible de conclure actuellement sur ce que pourra être le sens total et définitif de cet ouvrage : ceci reste justement en suspens, puisqu’il ne s’agit que du tome premier. La fin de ce livre se trouve projetée hors de lui.

Ce glissement continuel du sens, qui est plus ou moins manifeste dans chacune de ses phrases, est également présent dans le mouvement général du livre entier. C’est ainsi que la question du langage est traitée à travers la stratégie (chapitre I) ; les passions de l’amour à travers la criminalité (chapitre II) ; le passage du temps à travers l’alcoolisme (chapitre III) ; l’attirance des lieux à travers leur destruction (chapitre IV) ; l’attachement à la subversion à travers le contre-coup policier qu’elle entraîne continuellement (chapitre V) ; le vieillissement à travers le monde de la guerre (chapitre VI) ; la décadence à travers le développement économique (chapitre VII).

On peut citer particulièrement en exemple une phrase page 1668 : « Entre la rue du Four et la rue de Buci, où notre jeunesse s’est si complètement perdue, en buvant quelques verres, on pouvait sentir avec certitude que nous ne ferions jamais rien de mieux. » Que signifie exactement cette phrase ? Elle signifie tout ce qu’il est possible d’y mettre. Au mépris de la bonne règle classique, cette apposition : « en buvant quelques verres », doit pouvoir être rattachée, et là comme un euphémisme, à la phrase précédente ; mais elle doit aussi être rattachée à la phrase qui la suit, et alors elle fait figure d’observation exacte et instantanée. Mais en outre le sujet représenté par le « on » peut être également compris comme étant un observateur extérieur (et dans ce cas pleinement désapprobateur), et comme étant le jugement subjectif de cette jeunesse (et dans ce cas exprimant une satisfaction philosophiquement ou cyniquement lucide). Tout est vrai, il ne faut rien en retrancher.

Guy Debord, « Sur les difficultés de la traduction de Panégyrique » (novembre 1989), in Œuvres, Gallimard,
coll. « Quarto », 2006, pp. 1686-1687.

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