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jeudi 21 mai 2015

Une méthode efficace pour tout foutre en l’air



Ces  « Humains » — c’est ainsi qu’ils s’étaient nommés — étaient très inventifs. Au fil des siècles, ils inventèrent tout un tas de trucs sympathiques : la roue et l’agriculture, les bêtes de trait et les villes, les leviers et les navires, le moteur à combustion interne et les cartes de crédit, le radar et le vaisseau spatial. Certes, ils n’inventèrent pas tout cela d’un seul coup. Et toutes ces inventions ne se révélèrent pas un avantage absolu, car ils inventèrent en même temps les massues et les épées, les flèches et les catapultes, les canons et les missiles nucléaires. Ces Humains avaient vraiment le chic pour tout bousiller.
Par exemple, un grand nombre de leurs inventions semblaient a priori devoir produire un effet précis, mais en réalité elles produisaient un effet tout à fait différent. Prenez tous leurs gadgets de « maintien de la paix », aucun d’entre eux ne la maintenait ! Leur « médecine » également était un autre exemple. Ce que ces Humains nommèrent la médecine était en réalité une pratique consistant à faire toutes sortes de choses bizarres aux gens qui avaient le malheur d’être patraques. Officiellement, ces choses avaient pour but d’améliorer l’état du malade. Mais assez souvent, elles produisaient l’effet inverse. Au mieux, l’état du patient demeurait stationnaire. L’homme qui était en train de mourir de malaria pouvait à la rigueur être reconnaissant envers son médecin pour avoir mis le masque du diable et avoir dansé tout autour de son lit, mais il décédait quand même. À l’époque à laquelle la médecine humaine atteignit un stade où les chances de guérison d’un malade étaient plus grandes avec l’aide d’un médecin que sans — et cela prit environ quatre cent quatre-vingt-dix-neuf mille neuf cents de ces cinq cent mille années —, les Humains avaient trouvé le moyen de mettre au point une méthode encore plus efficace pour tout foutre en l’air.
Ils avaient inventé l’argent.

Frederik Pohl, À travers la grande porte (The Gateway Trip, 1990), trad. Bernadette Emerich, J'ai Lu, 1992, pp. 10-11

(Merci à Jacques de m'avoir signalé ce passage !)

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