Navré de vous avoir fait faux bond la semaine dernière : ce sont l'irruption et la submersion de Charlie matin qui, bouleversant les délais et bousculant les personnes et vice versa, ont mis le désordre. Au fait, si vous avez lu ce quotidien et si, comme nous, vous avez jugé hâtive et débile la plaisanterie consistant à y rendre compte, en mauvais français, et avec une niaiserie augmentée, de films qui n'existent pas, vous serez stupéfaits comme nous-mêmes en apprenant que ça a marché : des gens se sont bel et bien rendus en banlieue à dix heures et demie du soir, dans le froid et la pluie, à la recherche d'une salle qui n'existe plus depuis des années, avec l'espoir de voir là un film féministe ukrainien non sous-titré. Et même ils ont plus tard téléphoné au journal, non seulement pour se plaindre, mais — jésus hache christ ! — pour demander qu'on leur indiquât tels autres lieu et heure où ils pourraient se déranger de nouveau, à la recherche de ce film. Et il apparaît ainsi que les limites de la connerie culturiste ne sont pas, elles non plus, où l'on espérait qu'elles étaient; et après une sorte d'hilarité, nous éprouvons donc une espèce d'effroi¹.
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1. L'objection selon laquelle nous aurions égaré ainsi, cruellement, d'éventuels réfugiés ukrainiens, ne tient pas : le titre original, d'ailleurs grotesque, était en serbo-croate; les noms propres cités et le résumé de l'intrigue étaient, à l'évidence, géorgiens. Seuls des idiots militants ont pu se laisser prendre. Nous rions d'eux.
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1. L'objection selon laquelle nous aurions égaré ainsi, cruellement, d'éventuels réfugiés ukrainiens, ne tient pas : le titre original, d'ailleurs grotesque, était en serbo-croate; les noms propres cités et le résumé de l'intrigue étaient, à l'évidence, géorgiens. Seuls des idiots militants ont pu se laisser prendre. Nous rions d'eux.
Jean-Patrick Manchette, Charlie Hebdo n° 541 (25 mars 1981)
Le précédent billet était paru dans le très éphémère quotidien Charlie Matin, n° 1, le 16 mars 1981.Ces textes ont été réédités dans le recueil Les Yeux de la momie, Rivages/Écrits noirs, 1997, p. 369 et 371.
Toutes nos excuses à P. M.
J'adore.
RépondreSupprimerMoi qui au premier abord commençait déjà à raler derrière mon écran "bordel, toujours tout pour Paris et jamais rien en Province", une deuxième lecture du billet m'avait laissé perplexe, n'y comprenant rien, mon intérêt s'était tout de suite envolé (le meilleur restant les sous titres absents et l'interprétation simultanée).
La connerie culturiste est bien réelle (à propos, fuyez les "cafés philo"...)
Ce blogue est décidément très fréquentable.
Joli !
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