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dimanche 19 janvier 2020

Nos plus belles années sont flippantes
(mais c'est téléphoné !)



France Culture nous a rafraîchis tantôt d'une eau de jouvence qui ne réjouira sans doute que les plus masos d'entre vous :



Émission qu'Amaury Chardeau ouvrit par ce morceau fondant — monumental tube de l'époque, malgré que seulement quatre stations pouvaient le diffuser, vu le monopole d'État de l'époque sur la Radio-Télédiffusion Française (oui Madame, ça s'appelait encore comme ça !) :


Téléphone : Flipper

Revenons donc quarante ans en arrière, en ces temps préhistoriques où n'existaient ni Internouille ni les portables, quand les ordinateurs étaient encore en bois.

Durant les années soixante-dix, les téléphones domestiques comportaient un cadran alphanumérique et ressemblaient à ceci :


Hormis le « 1 », chaque numéro du cadran correspondait à trois lettres de l'alphabet (sauf le « 6 » et le « 0 », deux lettres seulement pour eux, dans un certain désordre alphabétique il est vrai – même si tout bambin se réjouissait de lire au sud du cadran, sous l'espèce d'anus que figurait le dernier chiffre, « au cul » !)

Pourquoi cette carambistouille de chiffres et de lettres, sans compter le « CRRRRR » à chaque retour du cadran ?

Ma foi, c'était fort simple.

La téléphonie (inventée par Graham Bell, rappelons-le à tout hasard sans pour autant verser dans les allusions clitoridiennes que jacasse cette pauvre oie d'Anita Ward dans Ring my Bell), la téléphonie, donc, essaima dès le début du vingtième siècle  en France, chez les moins chiches – les plus riches – de ses enfants.

Et, qui l'eût cru ? à ce moment précis (1912, grosso modo), des génies du capitalisme de par chez nous sortirent de leur cuisse jupitérienne une entière corporation fort peu mâle, dont on désigna tout au long du siècle les prolétaires sous le romantique nom de « demoiselles du téléphone ».

Bon, je vais pas déblatérer sur les appels départementaux, sur le 16 ou l'intercontinental, les standardistes ou l'automatisation inéluctable, ni sur les femmes qui se bousillaient toute la journée les doigts à planter des fiches dans des machins, on a vu ça dans plein de films (notamment Mise à sac, d'Alain Cavalier, adaptation de Stark/Westlake que je ne saurais trop chaudement recommander).

Tentons d'expliquer la chose par un exemple simple, disons parisien (pour les communications en province fallait passer par le 16, ce serait plus compliqué).

Chaque secteur téléphonique de Paris était alors désigné par les trois premières lettres du nom choisi pour ce quartier par les bureaucrates des Postes, Télégraphes et Télécommunications (PTT, ensuite P&T, après quoi les appellations de l'entreprise archirevendue sont parties grave en couilles, genre agent orange, mais c'est une autre histoire, pour sûr), tel BAL pour Balzac, TRO pour Trocadéro, LAM pour Lamballe, etc.
(Les malades comme moi que la chose intrigue peuvent se renseigner plus avant ici.)

Vous croisez quelqu'un(e) dans un bar un soir, la séduction s'amorce, la soirée s'allonge de plus en plus tendrement, hé, hé… mais finalement, non, vous rentrez seul(e) chez vous, tant pis !
Pourtant, voici que le lendemain, youpi ! vous retrouvez dans votre poche de la veille une carte de visite et surtout, surtout, un numéro de téléphone, ce numéro : « TRO 80 30 ».

Bingo !

Votre tentative foirée de conquête de la veille habite donc dans le quartier du Trocadéro, en fait c'est juste à côté, en plus vous avez son numéro (puisque « TRO » c'est « 870 » au cadran), , allez, au trot ! il suffit d'introduire son doigt dans les trous du cadran et de le tournicoter jusqu'à ce qu'il ronronne…

Le temps a passé.

Les sept signes du numéro de téléphone (trois lettres suivies de quatre chiffres) n'autorisaient alors au plus qu'un million d'abonnés, mais la démographie francilienne crût fissa, les P&T numérisèrent définitivement les lettres initiales et ajoutèrent dans la foulée devant le chiffre « 4 » (je sais, c'est difficile à suivre, mais disons que cela donnerait dans notre exemple : « 48 70 80 30 », sauf qu'hélas pour nos héros, leur aventure agonisait déjà).

Déchirée entre diverses cohabitations politiques, l'administration finiséculaire (pas celle de Marcel Schwob ni de Léon Bloy, manque de bol !) jugea qu'il valait sans doute mieux décupler encore les éventualités d'abonnements franciliens jusqu'au milliard, et allons-y de rajouter devant tout ça un 01, d'où par exemple 01 48 70 80 30 si l'on suit bien – contrairement à nos ex-amants rencornés, esseulés et vieillis, qui – las ! – ont depuis trop longtemps perdu le fil (du téléphone, il va sans dire, et qui les en blâmerait tant le réseau est menacé ?)

Tout ça pour rappeler que quand on était pété de thune au début des années quatre-vingt (merci, Bokassa !), on pouvait se payer une ligne téléphonique personnalisée, genre un numéro aussi subtil que  VGE 81 88, pour un aristoloche de Chamalières qui souhaitait faire rebelote de 1981 à 1988 (à l'époque, la présidentielle était septennale).



Mais c'est Mickey qui a gagné.


Noir Désir : Un jour en France

2 commentaires:

  1. Et l'invention du mp3 naquit de l'envie de composer un numéro sur le poste à cadran, pour entendre une musique choisie, comme un juke-box à portée de main

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  2. Et
    L'ennui naquit un jour de l'uniformité.

    Merci d'honorer ainsi très indirectement le trop oublié Antoine Houdar de la Motte (qui n'a pas piqué les accords de Grenelle) !

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