J'ai monté les marches de l'église et jeté un coup d'œil à l'intérieur. Sur les bancs, quelques vieux priaient. Mains jointes et tête baissée, entièrement livrés au ciel, offerts et pleins d'espoir. (J'ai eu cette vision lugubre : l'amoureux timide devant l'appartement de sa belle, qui sonne (il sait qu'elle est toujours là à cette heure) et se décide enfin à lui faire à travers la porte la fervente déclaration qu'il rumine depuis des mois. Il se lance dans la plus belle déclaration d'amour qu'homme ait jamais faite à femme, les mots viennent tout seuls, or et sucre à chaque syllabe, la passion du poète, dix minutes d'inspiration géniale comme il n'en connaîtra plus jamais dans sa vie. Il conclut sur quelque cerise lyrique et tend l'oreille : elle n'ose pas répondre. Et lui n'ose pas insister, réclamer une décision immédiate, trop heureux d'avoir enfin soulagé son cœur. Il redescend l'escalier avec le sourire de celui qui vient enfin d'accepter son destin, tandis que sa promise tâte les camemberts à l'épicerie du coin.)
Ces braves vieux sur les bancs, avec leurs si belles prières à l'intérieur, me faisaient penser à cet amoureux derrière la porte de l'appartement vide. Entièrement offerts à rien.
J'avais absolument besoin d'un petit verre.
Ces braves vieux sur les bancs, avec leurs si belles prières à l'intérieur, me faisaient penser à cet amoureux derrière la porte de l'appartement vide. Entièrement offerts à rien.
J'avais absolument besoin d'un petit verre.
Philippe Jaenada, Le chameau sauvage, Julliard, 1997,
rééd. J'ai Lu n°4952, 2001, ch. 34, pp. 146-147
rééd. J'ai Lu n°4952, 2001, ch. 34, pp. 146-147
Il me semble que l'on assiste à pareille vaine déclaration, adressée au personnage qu'interprète Nicole Garcia, dans le film Outremer, de Brigitte Roüan (1989). Mais je ne parviens pas à en trouver trace.
Figurez-vous, cher George, que sur le site de Philippe Jaenada, à la rubrique liens, on découvre un truc qui pointe vers "Zeturf.com". Bref, il se pourrait que l'auteur, non seulement passionné par la noble conquête de l'homme, le soit également par les hippodromes et les paris. J'en jurerais : ce monsieur doit sûrement faire un grand croyant devant (et en) l'Eternel, sauf, bien sûr, à être superstitieux.
RépondreSupprimer(Sur cette invitation subliminale à la réflexion - à la méditation ? -, permettez que je vous laisse (vous) "casser le tronc"...)
(
J'aurais préféré briser ma tirelire.
RépondreSupprimerQuant à Jaenada, cela ne m'étonne guère : le narrateur du Chameau sauvage raconte à un moment qu'il abandonne la profession de traducteur pour celle de pronostiqueur hippique, alors qu'il n'y connaît rien (il fournit des numéros au pif, et assez souvent, ça marche).