Avertissement légal

Tous les textes apparaissant sur ce site sont automatiquement générés par notre nouveau logiciel Hétéronomix™ qui vous libère enfin de la pesante nécessité de réfléchir.
Ne perdez plus votre précieux temps de consommateurice à répondre à vos correspondants, les plus exigeants fussent-ils quant à la teneur conceptuelle ou la qualité des propos échangés : Hétéronomix™ se charge de tout ! Syntaxe et orthographe garanties parfaites et évolutives au fil des décrets.
Approuvé par la norme AFNOR ISO 9001.

vendredi 4 novembre 2022

Au nom du (fli)père


Un gros savon, ça nous l'savons

Comme chacun sait, mon père s'appelait Alain, et c'est pourquoi j'ai longtemps caressé l'idée de changer mon vrai prénom pour Alex, comme dans la désopilante famille Térieur.
Mais je ne parlerai pas ici de caresses.
Car est-ce qu'on y connaît quelque chose, en réalité ?

À l'époque de mon enfance (c'était sans doute malséant au regard des normes sociétales de la nôtre, d'époque, et d'ailleurs pas très mAlain tout court) l'autorité paternelle en cas de faute supposée de l'enfant, de déviance par rapport à la morale imposée, de désobéissance volontaire — sans parler d'outrance stupéfiante comme lorsqu'Antoine Doinel, dans Les quatre cents coups, donne effrontément comme excuse tout à trac à l'instituteur que la cause de son retard c'est que… sa mère est morte ! — l'autorité paternelle, donc, se manifestait par quelque châtiment physique : gamin, fessée déculottée, et plus tard, ado, une gifle magistrale.
La fessée, pour moi, c'était quand même déjà malséant car ça faisait mal au séant (c'était un peu la mère, l'amer toujours recommencé) mais là c'est la gifle qui nous intéresse (je ne parle évidemment pas de cette gougnafière de Sophie Marceau, et encore moins de ce con de Pinoteau — attention, je n'ai pas dit pine de Conoteau — qui a réussi à massacrer le magnifique roman de Francis Ryck, Drôle de pistolet).
Soit dit en passant, quand mon père a déserté le doux domicile familial, ma mère — telle une dame aux clés — a aussitôt suspendu un martinet tressé de cuir à la poignée de la porte de la salle à manger. La menace planait, ombre parmi les ombres, mais heureusement jamais nous n'en subîmes les outrages (enfin, je crois : ma mémoire est labile, et la bile est ta mère, après tout !)

Pour la gifle, mon père avait une technique bien à lui, plutôt sympa quand on y pense (enfin, si l'on peut dire) : soucieux de ne pas blesser le visage de ses enfants (mais peut-être aussi pour ne pas s'exposer à une éventuelle réprobation de la part de proches si nous eussions présenté d'évidentes marques de coups : un autre film de Truffaut, L'argent de poche, était passé par là…), il nous demandait très calmement, toute fureur contenue quoiqu'à grand-peine, de poser notre main sur une surface plane, et là, nous assenait dessus une claque magistrale de toute la force dont il était capable.
Ça faisait très mal, mais la douleur passait assez vite, et après nous étions quittes : tel était le deal (la dernière fois que c'est arrivé, j'étais déjà anglophone).

La dernière fois que c'est arrivé, j'ai pas les ongles aphones alors je m'en souviens très précisément, j'étais pas en grande forme (rapport à mon amante qui me manquait fort), y'avait des oncles et pas de fans, c'était aux cinquante ans de mariage de mes grands-parents paternels, je devais avoir quinze ou seize ans.
Je me faisais tellement chier à cette réunion familiale d'apéro précédant le trajet vers le restau qu'assez rapidement j'ai prétexté n'avoir plus de clopes, qu'il fallait que je m'éclipse un instant pour aller en chercher (hem, là encore les normes sociétales ont un peu changé…)
Mais je suis effectivement descendu au bar-tabac d'en bas, et là, youpi ! il y avait un flipper…
Space Invaders, sans doute, c'était le plus répandu à l'époque, avec son fabuleux couloir semi-circulaire juste au-dessus des flips, qui si on y envoyait plusieurs fois la bille permettait direct le multi-billes tout juste inventé, puis l'extra-balle et le spécial, c'était génial.

Bingo ! je mets une pièce de cinq francs histoire de faire trois parties fissa, car malgré mes efforts monumentaux j'étais nul au flipper, je touchais pas une rame malgré que je jouais tout le temps dès que possible.
Avec mon pote de seconde de l'époque, Jérôme.
Il habitait loin en banlieue, sa mère lui filait des ronds pour qu'il bouffe à midi ailleurs qu'à la cantine (qu'était déjà toujours aussi dégueulasse, comme de bien entendu), du coup on déjeunait tous les deux à toute berzingue chez moi qui créchais juste à côté du lycée et on fonçait au café enfumé (Boyards et Gitanes maïs) claquer sa thune de gamelle en parties de flip.
C'était nickel-chrome : pour ma mère Jérôme venait déjeuner parce que sa mère à lui ramait grave, et pour icelle son fiston s'était régalé à ses frais, elles ne se connaissaient pas, tout allait bien.
Sauf qu'on arrivait jamais à claquer, on était nuls malgré nos centaines de tentatives et bien que le tilt de ce café-là ne fût vraiment pas réglé sur la sensibilité minimum.
Mais bon, on s'entraînait, on apprenait à faire des fourchettes, on se disait qu'un jour on arriverait bien à assurer un max et qu'on finirait par être le Roi Carotte.

Et c'est justement ce qui s'est passé ce soir-là, le soir du jubilé du mariage de mes aïeux : c'est pas trois parties, que j'ai faites avec ma pièce de cinq francs (0,7652 € et des poussières en 2002), c'est je sais pas combien, c'était fou, j'arrêtais pas de claquer spécial sur spécial, sans compter les extra-balles, avec toutes ces billes qui tombaient jamais dans les couloirs ni dans le puits et que je réenquillais direct dans l'arcade magique !

J'ai perdu toute notion du temps, et d'un coup la porte du troquet s'est ouverte à toute volée, et mon paternel furibard s'est mis à me hurler dessus que ça faisait une heure qu'il me cherchait partout, dans tous les tabacs du quartier, que toute la famille m'attendait pour aller au restau, il était vraiment furax, je l'avais jamais vu aussi congestionné.

Décontenancé, ahuri, j’ai lâché les commandes, toutes les billes sont tombées dans le trou, la partie était foutue (mais j’en avais encore plein créditées au compteur, je me souviens avoir follement, en ce moment d’égarement, espérer terminer le jeu…)
Et puis presque aussitôt, mon père a retrouvé son calme, un calme terrifiant, et il m’a demandé de poser ma main droite bien à plat.
Par réflexe, je l’ai posée sur la vitre du flipper, mais il a fait tss-tss de la tête, comme pour signifier qu’il risquait de la briser.
Pas con, le mec. Colère refroidie, de celles qui font le plus flipper. Ça tombait bien, si l’on y réfléchit…

Alors j’ai posé ma main bien sagement sur la table de bistrot la plus proche, et aussitôt j’ai dégusté la mandale la plus violente de ma vie, pire que l’ensemble de toutes celles qu’il m’avait administrées auparavant.
Le savon mahousse.
J’ai cru qu’il m’avait brisé tous les os d’un coup, les carpes ou les tarses je sais pas je confonds toujours je sais juste qu’il y a aussi des méta, des met ta main là.
J’étais Robert Ryan dans Nous avons gagné ce soir, j’étais Marlon Brando dans le dernier quart de La vengeance aux deux visages.

Mais non, il m’avait rien pété en fait (faut dire qu’il était toubib, il devait s’y connaître un peu).
Il m’avait juste flanqué ce dernier savon mahousse de ma vie, moi je moussais guère.
Il a bien vu que je retenais mes larmes de douleur, des geysers qui menaçaient de jaillir, que la morve s’écoulait en rizière de mon pif, alors soudain un peu gêné il m’a proposé un mouchoir en papier, et là — parce que cinéphile en V.O. j’étais devenu vachement anglophone, comme susdit, mais carrément à savoir imiter Bogart ou James Mason avec leurs accents respectifs — là, vu de maintenant, j’aurais vraiment aimé lui avoir répondu :

« J’aime pas le soap, Alain. »

Et voilà, ha ha.




Ah, tu crois que c'est une blague ?
Ben… comme le susurre si suavement ce fou furieux de Julien Barthélémy (qui aurait pu jouer le personnage d'Elliot dans Mr. Robot) :
« Prends ça comme un jeu… »
(et d'abord, où t'étais pendant des années, hein ?…)

2 commentaires:

  1. Bon, ça y est, on est chez les vioques, ceux qui, l'âge étant arrivé, racontent leur vie… Ils n'ont plus que ça à dire et à ressasser, croyant en plus intéresser. Avant, on avait le vieux qui racontait sa dernière guerre puis le soixante-huitard qui racontait ses barricades et maintenant le jeune vieux qui raconte son adolescence entre papa et maman afin de nous livrer ses bons mots d'enfant prolongé… Bon courage avant Alzheimer !

    RépondreSupprimer
  2. Bon courage avec votre compréhension des récits, Revaxis, puisque vous prenez tout au pied de la lettre.
    Je vous recommanderais notamment les Mémoires d'un vieux con, de Roland Topor, mais hélas je crains que sa lecture vous attriste.

    RépondreSupprimer