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dimanche 7 août 2022

Comment je suis devenu communiste libertaire

Cette année, le feuilleton-fleuve de France Culture qui court sur juillet-août, c'est Vie et destin, titre pléonastique s'il en est de Vassili Grossman.
Autant j'avais été happé par Le comte de Monte-Cristo voici quatre ans, autant là ça me disait vraiment rien, non merci, pas envie.
Mais allez savoir pourquoi, aujourd'hui je me suis demandé pourquoi ça me débectait ainsi a priori.
J'ai un peu réfléchi… et puis j'ai compris — enfin plutôt, je me suis souvenu : je confondais avec L'homme de Kiev, de Malamud.

L’homme de Kiev, que ce farceur de Deleuze cite en épigraphe de son Spinoza. Philosophie pratique. L’homme de Kiev est ce pauvre juif qui a acheté pour 1 kopek une traduction de L'Éthique de Spinoza chez un brocanteur tout en regrettant de gaspiller un argent durement gagné, et qui confesse à ses juges :

« Plus tard j’en ai lu quelques pages, et puis j’ai continué comme si une rafale de vent me poussait dans le dos. Je n’ai pas tout compris, comme je vous l’ai dit, mais dès que l’on touche à des idées pareilles, c’est comme si on enfourchait un balai de sorcière. Je n’étais plus le même homme. »

Prologue de la rediff le 19-01-2021 de « Avez-vous lu Baruch ou Portrait présumé de Spinoza » (Les samedis de FC, 3 avril 1978)

Ah oui.
Ah oui, c'est vrai, j'avais complètement zappé !
Le film, je veux dire (car franchement, qui a lu Malamud ?) : le film de Frankenheimer de 1968, The Fixer (John Frankenheimer, oui, le tâcheron pas si tache qui a brièvement brillé avec French Connection 2).
Enfin, plutôt… la première diffusion de ce film sur l'antenne de l'ORTF.
Mais, euh, en fait non, même pas la diffusion : la semi-diffusion.

Chaque fois qu'on en cause, on oublie une chose : c'était les vacances, les vacances “de Pâques” comme on disait alors — pas encore “de printemps” contrairement au Bon Marché ou à aujourd'hui avec toute la galerie qui fayote.

Hé oui : les vacances de Pâques, deux grosses semaines en Normandie chez Daddy et Mamic, youpi !

Neuf ans et toutes mes dents, traire les vaches du fermier d'à côté M. Héry assis sur mon seau à m'en foutre plein les pognes de lait mousseux bien chaud, toutes les joies de la campagne normande éclatante sous les feux de ces trente glorieuses ignorant leur crépuscule galopant (enfin, les menaces de “mise à l'air” — comprenez se faire déculotter par les fils des voisins et frotter bite et cul d'orties — c'était pas vraiment la joie, plutôt grave flippant à vrai dire, mais heureusement c'était pour rire).

Mais la joie suprême, avouons-le en petit citadin que j'étais alors, c'était pas au grand air, c'était pas veaux vaches cochons même si des pensées impures m'égaraient déjà vers Perrette et son pote olé : non, l'extase c'était ce machin magique où je voyais des rêves inimaginables, ce gros globe bulbeux en noir et blanc souvent brouillé, c'était… LA TÉLÉ !
Des images qui bougeaient pour raconter des histoires, une avancée technologique fondamentale qui me faisait frétiller comme un daguet (attention ! j'ai pas dit “bander comme un cerf”) mais que mes parents dédaignaient horriblement, inconscients qu'ils étaient des efforts herculéens que je devais déployer à la récré pour faire mine d'avoir vu la veille Winchester 73 comme tous les copains aux yeux illuminés (« Et tu t'souviens, quand y dégaine avant que l'aut' ait eu l'temps d'dire ouf ? — Ah ouais, sensass ! ») : fallait en affabuler, des trésors d'ingéniosité pour raconter les bribes de tous ces films dont j'ignorais tout, pour faire croire que moi aussi j'avais vu, et surtout que mes parents “avaient la télé”…

Mes grands-parents ne connaissaient rien à ce truc (la télé) dont ils venaient de meubler leur salon, ni d'ailleurs à l'histoire du cinéma, tout au plus Mamic se souciait-elle de l'avis de l'OCFC ou d'un éventuel carré blanc : le vrai péril, c'était l'heure-guillotine du dodo : ils éteignaient sans pitié le poste cinq minutes avant la fin d'un suspense insoutenable.

Mais ce soir-là, ça semblait peinard et assuré : les Dossiers de l'écran passaient en première partie L'homme de Kiev pendant que mes grands-parents avaient disparu je ne sais où, j'étais sûr de voir le film jusqu'au bout.


 
Et c'est là que tout a basculé.
Je sortais à peine de table, bien mangé bien bu, le ventre bien tendu tout repu de la délicieuse soupe de ma Mamic, et voilà qu'un infâme geôlier chargé d'apporter une écuelle de soupe à notre malheureux héros injustement emprisonné, voilà-t-y pas que beuârk ! il crache sous ses yeux un gros mollard dedans avant de la lui passer !!!
C'est franchement dégueulasse, je savais pas qu'on montrait des choses aussi peu chrétiennes à la TÉLÉ, mais en plus voilà que ça se met à déconner à plein tubes sur l'écran, y'a un texte qui défile en bas du film qui continue, ça dit en gros que le président est mort et que le film va s'arrêter, y va y avoir un flash spécial.

Moi je pige que dalle mais une chose est bien claire : le salopard a craché exprès dans l'assiette de soupe du pauvre juif spinoziste innocent à la Kafka, et le président Pompidou il a tellement pas supporté pareille saloperie qu'il a calanché direct et du coup on m'a sucré la fin du film, pour une fois que j'allais enfin tout savoir !
J'en ai conçu une telle haine pour Pompidou* et le capitalisme dont il s'était fait le trente-glorieux héraut, j'ai tellement ressenti cette double injustice dont se trouvaient frappés tant le pauvre homme de Kiev que moi-même, qu'après mûre réflexion, ni une ni deux, hop ! j'ai hopté pour le communisme libertaire.

Et voilà toute l'histoire, et que s'il vous plaît nul althussérien ne vienne me causer à ce propos de surdétermination, merci, j'en ai bien assez pour mon compte quoi que cela puisse bien vouloir dire !

* Pompidou, ce saligaud glaireux prétendument poète, plutôt prouteux tout court, cette baudruche enflée qui bien loin des glamoureux pou pou pidou de Marylin se faisait nuitamment héliporter depuis l'Élysée vers des ruisseaux bien plus frais pour tenter d'y pêcher l'écrevisse à grands renforts de têtes de porcs (c'est du moins ce qu'affirme fortement Raoul Rabut** dans Un tas d'œufs frits dans un chapeau et je ne puis que souscrire sans réserve à cette puissante conviction en opinant du chef de haute trahison).



** Le plus sympathique des trois frères Tellenne, qui jadis fondèrent le rigolo groupe Jalons avant de plus ou moins vite se muer comme des serpents en sinistres conseillers de Pasqua, animateurs téloche niveau Zéro ou de manif pour tou(te ?)s du genre Frijide Barjot. Leur acmé date du 13 janvier 1985, quand ils organisèrent une manif de protestation contre le froid au métro Glacière (après avoir pétitionné pour une candidature de Pompidou à la présidentielle de 1981, mais c'est une autre histoire…)

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