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samedi 28 juillet 2012

Plagiaire par anticipation de l'OULIPO, au XVIIIème siecle !



[...] A l'instant qu'on l'appelle, arrivant plein d'audace,
Au haut de l'alphabet l'A s'arroge sa place,
Alerte, agile, actif, avide d'apparat,
Tantôt, à tout hasard, il marche avec éclat ;
Tantôt d'un accent grave acceptant des entraves,
Il a dans son pas lent l'allure des esclaves,
A s'adonner au mal quand il est résolu,
Avide, atroce, affreux, arrogant, absolu,
Il attroupe, il aveugle, il avilit, il arme,
Il assiège, il affame, il attaque, il allarme,
Il arrête, il accable, il assomme, il abat,
Mais il n'est pas toujours accusé d'attentat ;
Avenant, attentif, accessible, agréable,
Adroit, affectueux, accomodant, affable,
Il préside à l'amour ainsi qu'à l'amitié ;
Des attraits, des appas, il prétend la moitié ;
A la tête des arts à bon droit on l'admire ;
Mais sur-tout il adore, et si j'ose le dire,
A l'aspect du Très-haut sitôt qu'Adam parla
Ce fut apparemment l'A qu'il articula.

Balbutié bientôt par le Bambin débile,
Le B semble bondir sur sa bouche inhabile ;
D'abord il l'habitue au bon-soir, au bon-jour ;
Les baisers, les bonbons sont brigués tour-à-tour.
Il demande sa balle, il appelle sa bonne ;
S'il a besoin de boire, aussitôt il ordonne ;
Son babil par le B ne peut être contraint,
Et d'un bobo, s'il boude, on est sûr qu'il se plaint.
Mais du bégue irrité la langue embarrassée,
Par le B qui la brave, à chaque instant blessée,
Sur ses bords, malgré lui, semble le retenir,
Et tout en balançant, brûle de le bannir.

Le C rival de l'S, avec une cédille,
Sans elle, au lieu du Q dans tous nos mots fourmille,
De tous les objets creux il commence le nom ;
Une cave, une cuve, une chambre, un canon,
Une corbeille, un coeur, un coffre, une carrière,
Une caverne enfin le trouvent nécessaire ;
Par-tout, en demi-cercle, il court demi-courbé,
Et le K, dans l'oubli, par son choc est tombé.

A décider son ton pour peu que le D tarde,
Il faut, contre les dents, que la langue le darde ;
Et déjà, de son droit, usant dans le discours
Le dos tendu sans cesse, il décrit cent détours.

L'E s'évertue ensuite, élancé par l'haleine,
Chaque fois qu'on respire, il échappe sans peine ;
Et par notre idiôme, heureusement traité,
Souvent, dans un seul mot, il se voit répété.
Mais c'est peu qu'il se coule aux syllabes complettes ;
Interprète caché des consonnes muettes,
Si l'une d'elles, seule, ose se promener,
Derrière ou devant elle on l'entend résonner.

Fille d'un son fatal que souffle la menace
L'F en fureur frémit, frappe, froisse, fracasse ;
Elle exprime la fougue et la fuite du vent ;
Le fer lui doit sa force, elle fouille, elle fend ;
Elle enfante le feu, la flamme et la fumée,
Et féconde en frimats, au froid elle est formée ;
D'une étoffe qu'on froisse, elle fournit l'effet,
Et le frémissement de la fronde et du fouet.

Le G, plus gai, voit l'R accourir sur ses traces ;
C'est toujours à son gré que se groupent les graces ;
Un jet de voix suffît pour engendrer le G ;
Il gémit quelquefois, dans la gorge engagé,
Et quelquefois à l'I dérobant sa figure,
En joutant à sa place, il jase, il joue, il jure ;
Mais son ton général qui gouverne par-tout,
Paraît bien moins gêné pour désigner le goût.

L'H, au fond du palais hazardant sa naissance
Halète au haut des mots qui sont en sa puissance ;
Elle heurte, elle happe, elle hume, elle hait,
Quelquefois par honneur, timide, elle se tait.

L'I droit comme un piquet établit son empire ;
Il s'initie à l'N afin de s'introduire ;
Par l'I précipité le rire se trahit,
Et par l'I prolongé l'infortune gémit.

Le K partant jadis pour les Kalendes grecques,
Laissa le Q, le C, pour servir d'hypothèques ;
Et revenant chez nous, de vieillesse cassé,
Seulement à Kimper il se vit caressé.

Mais combien la seule L embellit la parole !
Lente elle coule ici, là légère elle vole ;
Le liquide des flots par elle est exprimé,
Elle polit le style après qu'on l'a limé ;
La voyelle se teint de sa couleur liante,
Se mêle-t-elle aux mots ? c'est une huile luisante
Qui mouille chaque phrase, et par son lénitif
Des consonnes, détruit le frottement rétif ;

Ici I'M, à son tour, sur ses trois pieds chemine,
Et l'N à ses côtés sur deux pieds se dandine ;
L'M à mugir s'amuse, et meurt en s'enfermant,
L'N au fond de mon nez s'enfuit en résonnant ;
L'M aime à murmurer, l'N à nier S'obstine ;
L'N est propre à narguer, l'M est souvent mutine ;
L'M au milieu des mots marche avec majesté,
L'N unit la noblesse à la nécessité.

La bouche s'arrondit lorsque l'O doit éclore,
Et par force, on déploie un organe sonore,
Lorsque l'étonnement, conçu dans le cerveau,
Se provoque à sortir par cet accent nouveau.
Le cercle lui donna sa forme originale,
Il convient à l'orbite aussi-bien qu'à l'ovale ;
On ne saurait l'ôter lorsqu'il s'agit d'ouvrir,
Et si-tôt qu'il ordonne il se fait obéir.

Le P plus pétulant à son poste se presse
Malgré sa promptitude il tient à la paresse ;
Il précède la peine, et prévient le plaisir,
Même quand il pardonne, il parvient à punir ;
Il tient le premier rang dans le doux nom de père,
Il présente aux mortels le pain, si nécessaire !
Le poinçon et le pieu, la pique et le poignard,
De leur pointe, avec lui, percent de part en part ;
Et des poings et des piés il fait un double usage,
Il surprend la pudeur et la peur au passage.
Là, de son propre poids il pèse sur les mots ;
Plus loin, il peint, il pleure et se plaît aux propos :
Mais c'est à bien pousser que son pouvoir s'attache,
Et pour céder à l'F il se fond avec l'H.

Enfin du P parti je n'entens plus les pas,
Le Q traînant sa queue, et querellant tout bas,
Vient s'attaquer à l'U qu'à chaque instant il choque,
Et sur le ton du K calque son ton baroque.

L'R en roulant, approche et tournant à souhait,
Reproduit le bruit sourd du rapide rouet ;
Elle rend, d'un seul trait, le fracas du tonnerre,
La course d'un torrent, le cours d'une rivière ;
Et d'un ruisseau qui fuit sous les saules épars,
Elle promène en paix les tranquilles écarts.
Voyez-vous l'Éridan, la Loire, la Garonne,
L'Euphrate, la Dordogne et le Rhin et le Rhône,
D'abord avec fureur précipitant leurs flots
S'endormir sur les prés qu'ont ravagés leurs eaux ?
L'R a su par degrés vous décrire leur rage...
Elle a de tous les chars, la conduite en partage ;
Par-tout, vous l'entendrez sur le pavé brûlant
Presser du fier Mondor le carosse brillant,
Diriger de Phryné la berline criarde,
Et le cabriolet du fat qui se hazarde ;
La brouette en bronchant lui doit son soubressault,
Et le rustre lui fait traîner soin chariot ;
Le barbet irrité contre un pauvre en désordre,
L'avertit par une R avant que de le mordre ;
L'R a cent fois rongé, rouillé, rompu, raclé,
Et le bruit du tambour par elle est rappellé.

Mais c'est ici que l'S en serpentant s'avance,
A la place du C sans cesse elle se lance ;
Elle souffle, elle sonne, et chasse à tout moment
Un son qui s'assimile au simple sifflement.

Le T tient au toucher, tape, terrasse et tue ;
On le trouve à la tête, aux talons, en statue :
C'est lui qui fait au loin retentir le tocsin ;
Peut-on le méconnaître au tic-tac du moulin ?
De nos toits, par sa forme, il dicta la structure,
Et tirant tous les sons du sein de la nature,
Exactement taillé sur le type du Tau
Le T dans tous les temps imita le marteau.

Le V vient ; il se voue à la vue, à la vie ;
Vain d'avoir, en consonne, une vogue suivie,
Il peint le vol des vents, et la vélocité ;
Il n'est pas moins utile, en voyelle, usité,
Mais des lèvres hélas ! le V s'évadait vite,
Et l'humble U se ménage une modeste fuite ;
Le son nud qu'il procure, un peu trop continu,
Est du mépris parfait un signe convenu.

Renouvelé du Xi, l'X excitant la rixe,
Laisse derrière lui l'Y grec, jugé prolixe,
Et, mis, malgré son zèle, au même numéro
Le Z usé par l'S est réduit à zéro.

Antoine-Pierre-Augustin de Piis, Harmonie imitative de la langue française [extrait final]

16 commentaires:

  1. C'est vous, thé ?
    Vous êtes plus laconique que le sieur de Piis — qui semblait assez marteau, il est vrai…

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  2. Ah pardon ! j'oubliais le vers :
    "Le T dans tous les temps imita le marteau"…

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  3. Alexandre le Grand2 août 2012 à 22:04

    On peut pas vraiment dire qu'il soit laconique votre mannequin.

    Et, comme il n'y a pas que des ref coco ou comme on veut bien les appeler etc.

    Vous semblez douter de mes pseudos, alors qu'en fait, en 2 tps 3 mvts, vous tombez pile
    poil

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  4. Philippe, car il faut bien une autorité!2 août 2012 à 22:12

    Mais, j'aime pas.

    Rien à voir avec l'Oulipo.

    ça me semble facile et sans grand intérêt.

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  5. "Philippe car il faut bien une autorité"

    Philippe travaille dans une boîboîte
    quand il y a Total, ils sont là !
    quand il y a Mosanto, ils sont là !

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  6. variante :

    Mais pour accréditer encor plus mon système,
    Je dirai qu’à l’aspect de Jehova lui-même
    Au Paradis Terrestre alors qu’Adam parla,
    Ce fut apparemment l’A qu’il articula.


    Antoine-Pierre Augustin de Piis
    Harmonie imitative de la langue française

    (in A As Anything
    Nous, 2010, p. 30)

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  7. Merci pour cette précision, Monsieuye !
    Le seul ouvrage où j'ai pu trouver ce long poème de De Piis est l'excellente anthologie publiée chez Bouquins-Laffont, Mille ans de poésie française, qui donne en notes toutes les variantes (mais c'était trop long à indiquer ici).
    Je me souviens avoir eu connaissance de ce texte lors d'une émission de France Culture du milieu des années 90 consacrée aux salons littéraires du XVIIIème, après quoi je l'ai cherché durant des années.

    Merci aussi, incidemment, pour votre billet sur le délicieux ouvrage de Jean-Claude Mattrat, récemment paru aux mêmes éditions Nous.

    Je ne vois pas pourquoi vous déniez le rapport avec l'Oulipo, thé : la contrainte est ici évidente !
    Et ça ne me semble pas facile, à moi, même si l'intérêt est en effet inégal (mais on peut en dire autant de bien des productions de l'Oulipo…)

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  8. Rien dénié du tout — bien au contraire, voir en effet la délicieuse « pomme de terre » du 22 juin —, aucune réserve prononcée...

    Je pense que sur ce coup-là vous m'avez confondu avec notre ami Grégory (H.) [autre temps, autre blog...], non ?

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  9. Ah, désolé pour cette méprise, Monsieuye : la dernière partie de mon commentaire ne vous était pas adressée mais répondait à celui de thé, qui signait cette fois "Philippe, car il faut bien une autorité !"

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  10. Navrée,
    mais pourquoi ce féminin alors que j'allais associer G ?

    Sinon, G, oui, l' Oulipo, c'est pas toujours réussi, mais, ici, il mze semble que c'est pas la même intention.

    J'ai du mal à être confondue avec un coloriage, même dans un autre décor.

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  11. Une fois de plus, je ne suis pas : quel féminin ? quel coloriage ?

    Bref, entre nous c'est toujours, comme l'écrit si bien Jean-Claude Mattrat, la chose, le chaos

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  12. Vous n'êtes pas qui ?

    Sinon, "navrée" , il me semblait était au féminin ou ce qui est dit comme tel

    Sinon, aussi, "coloriage" me semblait plus joli que grégory H

    Avec la chaleur avenue, tout le monde est un peu k o

    "chose" me semble un peu ambigu ; on va le réserver pour plus tard ; pas dans dans la soirée ; dans les jours

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  13. Merci, thé : cette fois il me semble avoir tout saisi (sauf votre pseudo shakespearien, évidemment… Ah si, pardon : "Vous n'êtes pas qui ?" — je ne suis vraiment pas !)

    Mieux vaux tout de même être confondue avec un coloriage qu'avec un très gros grillage, non ?
    (Grégory Haleux est l'une des deux intéressantes moitiés du binôme Cynthia 3000)

    Fait si chaud que là, OK, c'est le chaos : je m'en vais faire mon koala.

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  14. mais où ai-je la teste ?21 août 2012 à 21:20

    Si vous saisissez tout, j'en suis KO.

    Bof, entre les deux, mon coeur balance ; n'aime ni l'un ni l'autre.

    Moi, m'en vais rien faire.

    (sinon, pour une fois, le pseudo fait ref au billet suivant....)
    Etonnée de vos lectures

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  15. De quelles lectures, thé, et pourquoi donc ?
    (J'aurais plutôt choisi "Ai-je fait le test ?", pour ma part : c'est tout de même un monsieur…)

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