Il reste à faire de la liberté des abus divers, et précieux.
L’homme qui vit, dit-on, en société connaît son ennemi mais inexplicablement le ménage.
Ce n’est pas l’anarchie qui parle par ma voix. Ceci est le contraire d’une précaution oratoire. Discréditer profondément ce qui orne cette vie dont je ne me rendrai aucunement complice est une tâche qu’on ne peut s’assigner sans encourir le risque de méprises, qu’il ne tient qu’à moi de ne plus trouver dramatiques.
Je ne crois pas que ce soit rêverie que d’imaginer le temps où presque toutes les routes intellectuelles seront machinées par l’initiative de quelques uns, de telle sorte que tous ceux qui voudront les emprunter seront détournés de l’inavouable but lointain qu’ils se proposaient, et malgré leurs efforts égoïstes, amenés à un carrefour d’impossibilités où il ne leur restera qu’à se soumettre à l’évidence de leur destinée.
Cette phrase n’est pas si obscure qu’elle est longue.
Personne n’est obligé de se croire menacé.
Personne n’est obligé de rire de ce qui précède.
Personne n’est obligé d’y prêter la moindre attention.
L’homme qui vit, dit-on, en société connaît son ennemi mais inexplicablement le ménage.
Ce n’est pas l’anarchie qui parle par ma voix. Ceci est le contraire d’une précaution oratoire. Discréditer profondément ce qui orne cette vie dont je ne me rendrai aucunement complice est une tâche qu’on ne peut s’assigner sans encourir le risque de méprises, qu’il ne tient qu’à moi de ne plus trouver dramatiques.
Je ne crois pas que ce soit rêverie que d’imaginer le temps où presque toutes les routes intellectuelles seront machinées par l’initiative de quelques uns, de telle sorte que tous ceux qui voudront les emprunter seront détournés de l’inavouable but lointain qu’ils se proposaient, et malgré leurs efforts égoïstes, amenés à un carrefour d’impossibilités où il ne leur restera qu’à se soumettre à l’évidence de leur destinée.
Cette phrase n’est pas si obscure qu’elle est longue.
Personne n’est obligé de se croire menacé.
Personne n’est obligé de rire de ce qui précède.
Personne n’est obligé d’y prêter la moindre attention.
Louis Aragon, mai 1930
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Parvenu à l’âge de 1000 km onze ans, j’avais épuisé (lu, relu, re-relu encore et encore) tous les « Bibliothèque Verte » de la maison : les Paul-Jacques Bonzon, les « Trois Jeunes Détectives » sous label Hitchcock avec leurs titres titillants, les Bennett, les Langelot du mystérieux « Lieutenant X » qui n’était autre que Vladimir Volkoff (mais ça je ne l’apprendrais que des décennies plus tard), bref, plus rien à me mettre sous la dent, j’en venais à me replonger dans de vieux « Bibliothèque Rose », retombant déjà en enfance alors que j’en émergeais à peine.
Alors je me suis mis à explorer la bibliothèque parentale, assez maigre au demeurant.
Le premier truc que j’ai chopé fut L’attrape-cœurs, de Salinger, en Livre de Poche dans la traduction pourrave de Sébastien Japrisot (j’appris, ô my god, bien des ficelles émoustillantes…)
Hé, hé, ça avait l’air pas mal, les bouquins des adultes : foutrement plus bath que les mômeries cartonnées qu’ont m’avait fourguées jusqu’alors !
Voyons, voyons, qu’y a-t-il d’autre que je pourrais m’enfiler à l’aise ?
Tiens, bizarre, pourquoi ce bouquin-là, sur la plus haute étagère, ne montre-t-il que sa tranche et non le dos, contrairement à tous les autres volumes ?
Allez hop, je vais chercher l’escabeau, j’extirpe la chose du rayonnage (comme jadis le pot de confiture tout en haut du placard), qu’est-ce donc ?
Bigre.
Onze ans.
Hé ouais : Apollinaire, c’est pas par Le pont Mirabeau que je l’ai découvert, nan, c’est par la tragique et risible histoire du prince Mony Vibescu, hospodar moldovalaque.
Alexine, Culculine, Cornabœux, l’épisode du train, hem.
Ça m’a appris, entre autres, que les mots ont un sens.
Le verbe « déconner », par exemple.
Après quoi tout s’est mis à franchement déconner.
Alors je me suis mis à explorer la bibliothèque parentale, assez maigre au demeurant.
Le premier truc que j’ai chopé fut L’attrape-cœurs, de Salinger, en Livre de Poche dans la traduction pourrave de Sébastien Japrisot (j’appris, ô my god, bien des ficelles émoustillantes…)
Hé, hé, ça avait l’air pas mal, les bouquins des adultes : foutrement plus bath que les mômeries cartonnées qu’ont m’avait fourguées jusqu’alors !
Voyons, voyons, qu’y a-t-il d’autre que je pourrais m’enfiler à l’aise ?
Tiens, bizarre, pourquoi ce bouquin-là, sur la plus haute étagère, ne montre-t-il que sa tranche et non le dos, contrairement à tous les autres volumes ?
Allez hop, je vais chercher l’escabeau, j’extirpe la chose du rayonnage (comme jadis le pot de confiture tout en haut du placard), qu’est-ce donc ?
Bigre.
Onze ans.
Hé ouais : Apollinaire, c’est pas par Le pont Mirabeau que je l’ai découvert, nan, c’est par la tragique et risible histoire du prince Mony Vibescu, hospodar moldovalaque.
Alexine, Culculine, Cornabœux, l’épisode du train, hem.
Ça m’a appris, entre autres, que les mots ont un sens.
Le verbe « déconner », par exemple.
Après quoi tout s’est mis à franchement déconner.
* Ce magnifique étendard en coup de fouet est de l'ami Jimmy Gladiator, mort aux vaches et au champ d'honneur, popularisé par l'ami Jimmy Gladiator, a jailli de la plume fertile de Pierre Peuchmaurd, comme nous l'apprend en ce samedi 15 avril 2023 certain Anonyme (cf. ci-dessous, en commentaire : merci à ellui).
Peuchmeurd, rendons à ses arts ce qui est assez zarb !
On peut lire l'intégrale du n°22 d'Incendie de forêt en ligne, ici.
On peut lire l'intégrale du n°22 d'Incendie de forêt en ligne, ici.
« Ce magnifique étendard en coup de fouet » est en réalité de Pierre Peuchmaurd, très grand ami de notre ami Jimmy.
RépondreSupprimerPourriez-vous être plus précis et argumenter en fournissant des références, Anonyme ?
RépondreSupprimerCar je me souviens très bien de ce soir-là (il y a une éternité, il y a un siècle, il y a un an), dans les locaux toujours provisoires où les hurluberlus de Mordicus se réunissaient, la fois où nous gambergions à une vingtaine pour trouver des slogans-choc à imprimer sur nos futurs autocollants ronds illustrés par Dragan.
Cela faisait un moment qu'on réfléchissait dans un morne silence, gribouillant chacun des phrases sur notre bout de papier sans parvenir à rien de satisfaisant, et voici que d'un coup Jimmy, au bout de la table, froncils sourcés, extrêmement concentré, s'est écrié : "Chaque âge saccage sa cage !", déclenchant immédiatement l'approbation unanime de l'assemblée.
C'était au printemps 1991.
RépondreSupprimerBon, j'ai trouvé : force m'est vous donner raison, c'était dans Incendie de forêt n°22 (avril 1978), Jimmy ce soir-là ne faisait donc que se remémorer.
RépondreSupprimerCe saligaud ne nous a jamais dit que c'était du Peuchmaurd !
Pour moi, ça a toujours plutôt été du Peuchmordicus…
Merci pour cette précision, donc.
Mes sources sont claires:
RépondreSupprimerJimmy lui-même, au café Le Temple d’or - effectivement à l’époque de Mordicus - lorsqu’il offrit aux personnes présentes ce jour-là une série d’autocollants fraîchement imprimée (que je possède encore).
La page 4 du numéro 22 (juillet 1978) d’Incendie de Forêt (Le Melog éditeur) consacré à P. P. et à ses tout premiers aphorismes publiés.
La page 13 des aphorismes complets du même (L’Oie de Cravan, Montréal, 2014).
J’aimais beaucoup Jimmy, et Pierre aussi que je n’ai pas eu le bonheur de rencontrer.
Pardon pour la redondance: je n’avais pas vu, donc pas lu, votre dernier commentaire.
RépondreSupprimerPas grave, la redondance.
RépondreSupprimerJe me souviens du Temple d'or, en face du Gibus : j'y étais assez assidu, on s'y sans doute croisés.
Je suis vachte preneur pour des scans de ces fameux autocollants que moi je n'ai plus.
Merci de signer plus précisément qu"Anonyme", c'est un peu pénible.