Ce qui est en jeu, ce ne sont plus seulement les retraites.
Ce qui est en jeu, c'est ce que tout le monde comprend : que nous sommes dans un monde où il faut travailler plus et plus longtemps, et en échange se contenter de vivre avec ce qu'on nous donne. Et ce qu’on nous donne, et combien on nous en donne, détermine aussi la manière dont nous sommes supposés vivre.
Nous travaillons et en échange nous recevons une part de la richesse commune sous forme de salaire et de revenus, et aussi, depuis quelques dizaines d’années, sous la forme de prestations sociales, éducatives, de santé, et de retraite.
Les dépenses sociales, que ce soit pour l’éducation, la santé, ou les retraites baissent toutes globalement, et cela signifie que globalement nous valons moins cher. Et si nous valons moins cher, c’est parce que dans le système capitaliste la valeur de notre travail ne dépend ni de la qualité, ni de l’utilité de celui-ci, mais seulement de sa capacité à créer de la valeur nouvelle.
Quand la création de cette valeur se déplace massivement vers les pays émergents, notre travail vaut moins, et notre vie vaut moins aussi.
Mais cela n’est pas vrai pour tout le monde. Ceux qui, détenant ou gérant les capitaux, ont un accès aux produits de ceux-ci continuent à recevoir la part majeure de la richesse crée puisque justement l’investissement dans les pays où la main d’œuvre est moins chère a pour objet de maintenir les profits capitalistes. Contrairement à ce qu’on voudrait nous faire croire, il n’y a rien d’obligatoire à ce que le choses se passent ainsi. Il faut bien produire pour vivre, nous dit-on. Oui, mais est-il vraiment nécessaire de produire ceci pour vivre ainsi ?
Car ce que nous produisons en travaillant, ce ne sont pas que des richesses. Ce que nous produisons en travaillant, ce sont avant tout les conditions de notre propre domination. S’il faut produire et accumuler toujours plus, c’est parce que cette machine complexe profite à certains. Les riches ne sont pas seulement plus riches, ils sont aussi plus puissants que les autres. Tels les seigneurs d’autrefois, les capitalistes d’aujourd’hui exercent sur la société leur pouvoir collectif. Aux privilèges de la naissance, on en un substitué un autre, plus mathématique : le privilège du compte en banque.
La force de ce système, c’est de laisser croire que cette domination n’en est pas une ; qu’elle n’est qu’une forme nécessaire de toute organisation sociale ; que nul être humain d’aujourd’hui ne saurait vivre autrement.
La faiblesse de ce système, c’est qu’il repose sur une production et une dépense toujours plus étendue de cette valeur nouvelle qui fait tourner le capital. Mais les arbres ne montent pas jusqu’au ciel, dit le proverbe boursier, et vient toujours un moment où quelque chose lui manque. Alors c’est la crise. Alors il faut retirer aux gens ce qu’on leur a donné, les faire travailler plus, les payer moins, tout ça pour que ceux qui dominent puissent continuer à dominer.
Pour que cette domination cesse, ce n’est pas d’une réforme dont nous avons besoin, pas plus que du retrait d’une réforme. Peu importe la redistribution des richesses, car le problème ne vient pas de ce que dans le capitalisme les richesses une fois produites sont réparties inégalement, mais bien de ce qu’elles ne peuvent être produites autrement que de manière inégalitaire. Ce dont nous avons besoin, c’est que les grèves et les blocages se poursuivent: car c’est dans le mouvement de la contestation que la critique de tout ce qui existe peut se transformer en proposition pour qu’il existe quelque chose d’autre.
Il faut bloquer la production capitaliste et partager ce qui est déjà produit, puis partager la manière dont on pourra continuer à faire vivre ce partage.
Le même jour, mais dans un autre genre, le Parti Imaginaire a livré son avis sur les réjouissances actuelles :
Et pour parfaire notre intelligence du monde, on va s'abonner à Article XI, dont la version papier sort en kiosques le 13 novembre.
Pop9 ne connaissait pas Léon de Mattis, mais il vient de lire avec bonheur ce texte admirable parce que rigoureux : rien de spectaculaire, rien d'agressif, juste l'exposition d'une situation et une conclusion. Sinon, Pop9 lira plus tard le deuxième texte, il a une pizza au four. Et puis il ne compte pas s'abonner à Article XI dans les jours qui viennent - c'est fait depuis un moment, vous pensez bien.
RépondreSupprimerZ'allez pas être déçus, les coupaings, ça va envoyer du lourd !!!
RépondreSupprimer(D'ailleurs, George, faudra qu'on en laisse un stock dans ta boutanche, euh boutique, à prix d'ami of course !!!)
Ouah l'autre...
RépondreSupprimerSi c'est moins cher chez m'sieur George, le Pop9 résilie son abonnement auprès de la maison mère et s'en va acheter à la pièce chez m'sieur George, chaque mois - m'sieur George a la réputation de servir un canon aux clients et il a un joli prénom.
Ou plutôt Pop9 fait ça, mais en maintenant son abonnement et donc en se faisant offrir chaque mois quelques chopines supplémentaires par m'sieur Faciunt, spécialiste avéré du savagnin et joyeux drille (quoique mauvais sujet).
Dans les deux cas, ça risque d'être plaisant sur le plan intellectuel comme sur le plan glouglou. Et puis ça ne serait pas jouable avec les concepteurs et diffuseurs de Valeurs actuelles.
Ah mais m'sieur Pop, pas de méprise, la maison mère fait un prix d'ami au libraire pour sa maigre marge, en aucun cas au lecteur qui crache de toute façon au bassinet !!!
RépondreSupprimerEt c'est avec joie, pour peu que comme les illustres camarades George et J. Leroy tu fasses de la pub pour le canard sur ton blogue à la renommée illustre (on attend aussi le sieur Dadu Jones à la réclame), que nous t'offrirons canons et chopines et mathusalems de mauvais rosé si c'est les tenanciers qui régalent, ou nectar du Jura, si je tiens le zinc...
Je confirme que George offre des canons à ses clients (vin blanc bien frais, s'il vous plaît !) et aussi qu'il a un joli prénom !
RépondreSupprimerQuant à s'abonner à Article XI, je ne vois que des mauvaises raisons pour ne pas le faire, la pire étant sans doute que puisque on a convaincu à force de harcèlement la tante Eglantine de s'abonner, elle pourrait tous les deux mois nous passer son exemplaire...
Enfin, c'est quand même pas systématique avec tous les clients, cette histoire de gorgeons, Florence…
RépondreSupprimerM'sieu Pop, allez, je vous la ferai, la maigre ristourne ! Et ce deuxième exemplaire, vous pourrez l'offrir à qui bon vous semble. Quant à Léon de Mattis, je vous recommande la visite de son blogue (qui est en lien sur son nom dans le billet), ainsi que la lecture de son livre. Ses textes ne sont pas fréquents, mais toujours pertinents et synthétiques.
Ubi, j'y compte bien, à prendre un stock d'exemplaires ! Et je le laisserai pas au frigo avec les boutanches…
Pour une jolie version en musique du "On lâche rien" :
RépondreSupprimerHK et les Saltimbanks